Au moins 5 journalistes ont été assassinés au Mexique depuis le début de l’année 2022. Le Mexique représente un tiers de tous les journalistes tués dans le monde cette année.
L’association mexicaine Displaced and Assaulted Journalists a signalé l’assassinat de Jorge Luis Camero Zazueta le 24 février.
Selon les médias locaux, « El Choche » gérait la page Facebook El Informativo qui rendait compte de l’actualité locale à Sonora, un État situé sur le golfe de Californie et partageant des frontières avec l’Arizona aux États-Unis. Créée en mai 2018, la page compte 79 000 followers.
M. Camero avait commencé sa carrière dans des stations de radio à Empalme et Guaymas, une ville voisine de 100 000 habitants, et avait récemment repris son travail sur la page Facebook, selon les médias locaux. Jorge « Choche » Camero a reçu trois balles de deux hommes armés aux alentours de 20 heures alors qu’il se trouvait dans une salle de sport à Empalme.
Il agissait en tant que secrétaire du maire d’Empalme, une ville de 40 000 habitants, depuis septembre 2021 jusqu’à sa démission il y a environ une semaine. Cela faisait suite à une vidéo circulant sur les réseaux sociaux à partir de début févrirer affirmant qu’il était impliqué dans un réseau criminel.
Dans cette vidéo, Daniel Palafox Suárez, un ancien élu de Sonora, accusait plusieurs personnes, dont Jorge Camero, d’être liées à La Plaza, une structure criminelle liée au cartel de Caborca qui aurait attaqué des officiels de Guaymas en novembre dernier. Dans la vidéo, Daniel Palafox est menotté et assis sur un seau, répondant aux questions d’un interrogateur invisible.
Daniel Palafox, qui avait critiqué le nombre de disparitions dans l’État de Sonora, fut porté disparu le 28 janvier et retrouvé mort une semaine plus tard.
Les raisons de la mort de Jorge Camero, et si elle est liée au journalisme, restent floues.
« C’est lié à la vente de drogue dans la rue ou à d’éventuels groupes criminels », a déclaré la procureure générale de l’État, Claudia Contreras Córdova, dans un communiqué vidéo. Son bureau exclut la liberté d’expression comme raison de sa mort.
Néanmoins, le Mexique rest l’un des pays les plus dangereux pour être journaliste en dehors des zones de guerre.
5 à 7 journalistes tués au Mexique en 7 semaines
Selon les médias mexicains, il pourrait être considéré comme le septième journaliste tué au Mexique au cours des sept dernières semaines.
Le premier journaliste mexicain tué en 2022 fut José Luis Gamboa, poignardé dans l’État de Veracruz le 10 janvier. Deux autres tentatives de meurtre contre des journalistes ont échoué cette année. La mort de Marco Ernesto Islas, fils du journaliste Marco Antonio Islas, n’est parfois pas considéré comme le meurtre d’un journaliste car il gérait le site d’informations de son père plus qu’il ne relatait l’actualité dernièrement.
Reporters sans frontières fait état de 5 décès de journalistes au Mexique à ce jour, sur les 14 tués dans le monde pour le moment en 2022. Un tiers des meurtres de journalistes ont lieu au Mexique, soit plus que dans tout autre pays cette année.
Depuis 2000, 150 journalistes ont été tués au Mexique pour des causes pouvant être liées à leur travail, selon Article 19, une organisation à but non lucratif qui défend la liberté d’expression.
Sous les présidences de Felipe Calderón et Enrique Peña Nieto, respectivement 48 et 47 journalistes furent assassinés durant leurs mandats de six ans. Avec Andrés Manuel Lopez Obrador, en poste depuis décembre 2018, déjà 32 journalistes ont été tués.
Le nombre de morts est également plus élevé que pendant tout le mandat de Vicente Fox, le président du Mexique entre 2000 et 2006.
Les relations d’AMLO avec la presse, qui organise un point presse quotidien, se sont détériorées au cours de son mandat.
Les États-Unis ont fait part de leur inquiétudes pour les menaces pesant sur les journalistes mexicains
Au début de son administration, M. Lopez Obrador semblait apprécier les joutes avec les journalistes lors de ses conférences de presse journalières. Mais au fur et à mesure que les critiques de médias sur son administration se sont multipliées, ses attaques se sont faites plus virulentes, notamment à l’encontre de plusieurs journalistes de renom qui ont remis en question certains aspects de son administration.
Dernièrement, il a décrit le journaliste Carlos Loret de Mola comme « un mercenaire, un tueur à gages, corrompu » et a dénigré sa légitimité autorité morale pour poser des questions parce que ce qu’il gagnait n’était pas public. Carlos Loret a considéré que ces attaques étaient une réponse à ses reportages sur le style de vie dispendieux du fils d’AMLO, alors que le président se dépeint comme un homme simple.
Le 24 février, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a tweeté son inquiétude concernant les meurtres de journalistes au Mexique : « Le nombre élevé de journalistes tués au Mexique cette année et les menaces permanentes auxquelles ils sont confrontés sont inquiétants. Je me joins à ceux qui demandent une plus grande responsabilité et une meilleure protection pour les journalistes mexicains. »
Et le lendemain, AMLO a semblé prendre ce commentaire comme une critique des efforts du Mexique pour enquêter sur les meurtres et protéger les journalistes. Le président a suggéré que Blinken avait reçu de mauvaises informations de la part de la CIA, du FBI ou de la DEA. « Ils le trompent », a‑t-il dit. « Nous ne tolérons l’impunité de personne ».
Six personnes ont été jusqu’à présent arrêtées dans trois des assassinats récents de journalistes, selon le secrétaire aux affaires étrangères, Marcelo Ebrard. Vendredi, cinq autres personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du photojournaliste Margarito Martínez en janvier dernier.
Cependant, le sous-secrétaire de l’intérieur chargé des droits de l’homme, Alejandro Encinas, a déclaré que le taux d’impunité dans les assassinats de journalistes et de militants des droits de l’homme était supérieur à 90 %.
En janvier, M. Encinas a même estimé que 52 journalistes avaient été assassinés sous l’administration actuelle et que seuls cinq cas avaient été résolus. Les élus participent également à créer une ambiance menaçante puisque, selon Encinas, 45% d’attaques, souvent verbales, contre les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme proviennent des autorités locales.
Mercredi, Lopez Obrador a déclaré que les journalistes « mentent comme ils respirent ».
Mise à jour du 6 mars : Un autre journaliste, Juan Carlos Muñiz, a été tué le 4 mars dans l’État de Zacatecas. Il couvrait l’actualité à Fresnillo, une ville où le taux de criminalité est parmi les plus élevés du pays. Il conduisait également un taxi pour arrondir les fins de mois.