Les personnes souhaitant bénéficier d’une intervention de chirurgie esthétique devront au préalable faire l’objet d’une évaluation de leur santé mentale. C’est l’une des nouvelles règles limitant l’industrie de la chirurgie esthétique en Australie, motivée par des recherches établissant un lien entre les problèmes de santé mentale et le désir de chirurgie esthétique.

Les nouvelles normes s’appliquent à tous les services de chirurgie esthétique du pays. La Commission australienne pour la sécurité et la qualité des soins de santé a fait cette annonce le 14 décembre, dans le but d’améliorer « la sécurité et la qualité des soins » pour les patients ayant recours à la chirurgie esthétique, selon le ministre australien de la santé, Mark Butler.
La chirurgie plastique est de plus en plus populaire en Australie, et un tiers des Australiens envisagent désormais d’y avoir recours. En 2022, les ministres de la santé des États australiens se sont réunis à la suite de sujets dans les médias sur les risques encourus par les patients lors d’opérations de chirurgie esthétique et ont « décidé de mettre en œuvre des réformes urgentes », selon la Commission australienne.
La nécessité d’une évaluation psychologique avant l’opération est sans doute le changement le plus frappant des nouvelles normes. Plus précisément, les patients doivent être évalués par un clinicien, qui peut être leur médecin ou chirurgien habituel, et être jugés aptes. Aucune évaluation psychologique spécifique n’est imposée, il suffit qu’un clinicien les juge psychologiquement aptes à subir l’opération.
Cette idée d’un examen psychologique obligatoire avant une intervention de chirurgie esthétique a déjà l’objet de plusieurs études par la communauté scientifique.
« L’Australie a maintenant rejoint des pays comme la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, la Malaisie et Singapour en développant des directives spécifiques pour les procédures de chirurgie esthétique », a déclaré la Commission australienne à Newsendip. L’Australie a désormais décidé d’en faire la règle, alors que de nombreux pays se contentent à ce jour de la recommander.
Réglementer les pratiques des chirurgiens plasticiens « voyous »
Les autres mesures imposent également aux cliniques de tenir des dossiers précis et complets, de vérifier périodiquement les risques pour la santé, de veiller à ce que les patients reçoivent les modifications souhaitées et de respecter d’autres normes de sécurité et de gouvernance.
La Dr Nicola Dean, présidente de l’Australian Society of Plastic Surgeons (ASPS), a déclaré que les professionnels soutenaient fermement les nouvelles normes visant à réglementer les pratiques des cliniques « malhonnêtes ». L’ASPS est une organisation non gouvernementale de chirurgiens plasticiens accrédités qui affirme représenter 93 % des chirurgiens plasticiens spécialisés en Australie.
« Les chirurgiens plasticiens spécialisés réclament de tels changements depuis de nombreuses années, a déclaré Dr Dean à Newsendip. Nous ne pouvons tolérer la situation en Australie où des praticiens malhonnêtes (rogue) pratiquent des interventions esthétiques dans des locaux non hygiéniques et inappropriés ».
Toutefois, elle a fait part de ses inquiétudes quant à la manière dont les nouvelles normes pourraient être appliquées, en ce qui concerne la confidentialité de l’évaluation psychologique : « Il est important que la mise en œuvre de ces nouvelles normes ne signifie pas que les administrateurs des hôpitaux sont en mesure de consulter les résultats des tests psychologiques ou les détails des consultations privées des patients. »
L’ASPS s’inquiète du fait que les cliniques soient surchargées de la partie administrative à cause de la gestion des dossiers des patients et qu’elles ne soient donc pas en mesure d’accueillir de nouveaux patients. L’ASPS regrette également que les régulations n’aillent pas assez loin dans l’application d’une accréditation gouvernementale pour effectuer de la chirurgie esthétique.
Santé mentale et chirurgie esthétique
Les normes ont été créées spécifiquement pour encadrer le domaine particulier de la chirurgie esthétique, qui est considéré comme unique par la Commission australienne pour la sécurité et la qualité des soins de santé.
« La chirurgie esthétique est unique en ce sens que les interventions chirurgicales ne sont pas utilisées à des fins médicales, mais pour obtenir un changement de l’apparence physique qui soit plus agréable sur le plan esthétique », écrit la Commission dans son rapport.
Avant, la chirurgie esthétique n’était limitée que par les restrictions générales en matière de soins de santé, ce qui signifie qu’elle n’était pas considérée comme unique. Selon la Commission, il était urgent de limiter l’industrie de la chirurgie esthétique depuis que les normes avaient été élaborées pour la première fois en 2022.
Les nouvelles règles peut être aussi vue à la lumière des problèmes de santé mentale associés aux patients ayant recours à la chirurgie esthétique. En septembre 2023, l’Université d’Australie du Sud (Unisa) a publié une étude mesurant le lien entre l’utilisation des réseaux sociaux, l’estime de soi (l’auto-compassion) et l’acceptation de la chirurgie esthétique.
L’étude s’est appuyée sur une enquête en ligne diffusée sur le campus de l’université. Des femmes interrogées ont répondu à des questions sur leur utilisation quotidienne des sites de médias sociaux, sur leur niveau d’auto-compassion et sur le fait qu’elles envisageraient ou non de recourir à la chirurgie esthétique.
L’étude a révélé des corrélations significatives entre les trois variables, notamment entre une estime de soi négative et l’acceptation de la chirurgie esthétique. En d’autres termes, les personnes qui ont moins d’autocompassion sont plus ouvertes à la chirurgie esthétique.
L’étude a également montré que l’acceptation de la chirurgie esthétique et l’utilisation des médias sociaux allaient de pair. Les utilisateurs fréquents des réseaux sociaux tels qu’Instagram étaient plus susceptibles de souhaiter une chirurgie plastique.
Les chercheurs à l’origine de l’étude avaient déjà plaidé en faveur d’une consultation psychologique des patients ayant recours à la chirurgie esthétique.
« Cette étude s’ajoute à la littérature qui préconise un dépistage psychologique standardisé des patients ayant subi une chirurgie esthétique et suggère que l’autocompassion, et plus particulièrement la sur-identification, serait un complément approprié », écrivent les chercheurs Lauren Conboy et John Mingoia.