Au Ghana, deux lycéens sont exclus à cause de leurs dreadlocks

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24 mars 2021

Deux élèves ne peuvent pas assister aux cours de l’école Achimota parce qu’ils portent des dreadlocks. Le service éducatif du Ghana a d’abord demandé à l’école de les admettre avant de revenir sur sa décision.

dreadlocks

Les dreadlocks : simple coiffure ou symbole religieux ?

Deux élèves du cycle secondaire ont été exclus d’une école publique renommée du Ghana parce qu’ils refusaient de couper leurs dreadlocks.

Inspirée d’un système scolaire public britannique, l’école Achimota fut la première école mixte de la Gold Coast. Plusieurs dirigeants africains, dont d’anciens chefs d’État ghanéens, ont suivi les cours de cet établissement rénommé.

Tyron Marghuy, l’un des élèves à l’origine de la controverse, a déclaré dans une interview qu’il estimait qu’il n’était « pas nécessaire de (se) couper les cheveux. Ce n’est pas la première fois que des personnes vont à l’école avec mes cheveux ».

M. Marghuy connaît également le règlement de l’école : « Lorsque vous acceptez l’offre d’admission, vous vous conformez aux règles de l’école. Dans la section “apparence”, vous devez couper vos cheveux ».

Cependant, il signale plusieurs cas où le règlement est capable de s’adapter à des cas particuliers, mais « lorsqu’il s’agit de lignes directrices sur l’apparence, nous n’avons qu’une seule ligne générale sur l’apparence ».

Le jeune homme de 17 ans a eu les cheveux courts de 1 à 13 ans, puis a décidé de les laisser pousser. Il a également justifié sa décision actuelle : « Je suivrai la religion de mon père tant que je resterai à la maison ».

En effet,  la polémique porte surtout sur la question de savoir si la décision est discriminatoire à l’égard des Rastafaris.

Ecole Achimota au Ghana
L’école Achimota au Ghana refusait deux étudiants d’avoir des dreadlocks

Le rastafarisme comme religion

Le mouvement rastafari est assimilé par beaucoup comme un mouvement social initié par Bob Marley consistant à fumer de l’herbe et à rejeter le consumérisme. Mais le rastafarisme est une religion née en Jamaïque dans les années 1930.

Et les dreadlocks font partie des principaux symboles rasta.

Bob Marley est devenu rasta en 1966, l’année où Hailé Sélassié, l’empereur d’Éthiopie de 1930 à 1974, s’est rendu en Jamaïque.

Bien qu’Hailé Sélassié fût un fervent chrétien, les Rastafaris vénéraient l’ancien empereur et le considéraient comme une figure clé de l’idéologie rastafari.

Il était considéré comme celui qui conduirait la diaspora africaine vers la liberté. Il était également considéré comme une réincarnation de Jésus.

Les Rastas sont afrocentriques et rejettent la société occidentale, également appelée « Babylone », qui a opprimé l’Afrique. L’Éthiopie est d’ailleurs le seul pays africain à avoir résisté au colonialisme.

Pour les rastafariens, la terre promise, ou « Zion », se situe en Éthiopie et de manière plus large en Afrique.

Leur apparence physique est une forme de dissidence par rapport à l’Occident. Les dreadlocks sont une conséquence de leur attachement à la nature.

Haïlé Sélassié Ier d'Éthiopie
Haïlé Sélassié Ier d’Éthiopie en 1930 est lié aux origines de la religion rastafari, Collection de photographies de G. Eric et Edith Matson.

Le Ghana compte de nombreux Rastas. Leur mode de vie est plus toléré dans le pays que dans d’autres régions d’Afrique. Nana Rita Marley, la veuve de Bob Marley, a été nommée citoyenne d’honneur du Ghana et a reçu un passeport ghanéen en 2015.

La constitution ghanéenne ne désigne pas de religion d’État et interdit toute discrimination religieuse. Environ 70 % des Ghanéens sont chrétiens, 18 % sont musulmans et 12 % pratiquent des religions animistes, pastorales ou autres, telles que le bouddhisme, le judaïsme, l’hindouisme, le shintoïsme ou le rastafarisme.

Une réglementation inégalement appliquée ?

Le Service de l’éducation du Ghana, une agence gouvernementale dépendant du ministre de l’éducation, a d’abord demandé à admettre les élèves à condition que leurs cheveux soient « bien attachés ». Mais l’administration de l’ecole a refusé d’obtempérer.

Pour Joel Nettey, président de l’association Old Achimota, « il est injuste de venir dire : “si je dois me couper les cheveux, vous me discriminez”. Vous connaissiez les règles ».

Le système éducatif ghanéen aurait ensuite rencontré l’école Achimota et soutenu la décision de l’école de n’admettre les élèves qu’avec les cheveux coupés.

Plusieurs photos d’élèves ayant les cheveux longs à Achimota ont été mises en ligne sur les réseaux sociaux pour prouver qu’il s’agit d’une application discriminatoire de la règle.

Tyron Marghuy, quant à lui, estime qu’il faut faire « la distinction entre les situations inoffensives et les situations qui font du mal ».

Mise à jour : la Haute Cour de justice du Ghana a ordonné l’admission des deux étudiants rastafaris.

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Sources et liens utiles

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.