Chez Axa Suisse, il n’y a plus de chefs !

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9 janvier 2024

Le groupe d’assurance Axa est la première grande entreprise suisse à supprimer les titres de ses organigrammes, renonçant ainsi à la hiérarchisation de ses employés.

l'Hôtel de La Vaupalière, le siège d'AXA à Paris
l’Hôtel de La Vaupalière, le siège d’AXA à Paris | © Ralf.treinen

La hiérarchie est-elle indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise ? L’organisation pyramidale, développée lors du taylorisme afin d’optimiser la productivité des ouvriers, est de plus en plus remise en question.

Et pour les 4 200 collaborateurs suisses d’Axa Assurance – dont la filiale du groupe français a réalisé un chiffre d’affaires de 5,6 milliards de francs suisses (6 milliards d’euros) en 2022 – ce modèle n’est plus d’actualité. En effet, en ce début d’année 2024, tous les titres seront supprimés de l’organigramme et des cartes de visite de la société qui assure 40% des entreprises suisses, comme le rapporte le média suisse Blick ce mardi, qui s’est entretenu avec la responsable des ressources humaines d’Axa, Daniela Fischer. Plus de directrices, de vice-présidents ou de vice-présidents adjoints !

« Nous avions déjà commencé à supprimer les privilèges pour les cadres. Les titres ou autres symboles de statut ne servent qu’à promouvoir des structures dépassées, marquées par la hiérarchie, qui ne correspondent plus à la culture d’entreprise actuelle », explique Mme Fischer au média suisse.

Des niveaux de responsabilité plutôt qu’une hiérarchie

L’objectif de l’assureur est de développer une organisation du travail dans laquelle tous se rencontrent « d’égal à égal », où les collaborateurs peuvent s’investir de manière profitable pour l’entreprise lors de réunions, quelle que soit leur position. L’entreprise continuera d’avoir des exigences différentes pour chacun de ses collaborateurs mais au lieu de hiérarchies, il y aura désormais des « niveaux de responsabilité ».

« L’abolition des titres s’inscrit parfaitement dans un monde du travail en rapide évolution. Cela ouvre de toutes nouvelles possibilités d’organisation, affirme Fischer, ainsi, la responsabilité est répartie sur davantage d’épaules. Bien sûr, Axa n’est pas dirigée de manière démocratique, mais les différentes équipes et les employés ont un pouvoir de décision nettement plus important qu’auparavant. » 

La grande majorité des collaborateurs est d’accord avec le changement de culture chez Axa. « Sur 4200 employés, seuls quatre n’ont pas encore signé le nouveau contrat de travail », précise la responsable des ressources humaines.

La distribution des bonus sera également réglée de manière beaucoup plus transparente et compréhensible et sera définie précisément dans le contrat de travail. « Le montant des bonus sera le même pour tous les collaborateurs de même niveau de responsabilité », ajoute-t-elle.

Une démarche cohérente face aux enjeux de l’époque

Les structures organisationnelles définissent la manière dont le travail est effectué au sein d’une entreprise. Ces dernières années, de nombreuses entreprises ont abandonné les structures hiérarchiques traditionnelles au profit de modèles plus plats et plus souples. Cette évolution a été motivée par un certain nombre de facteurs, notamment la nécessité de répondre rapidement aux changements du marché, le désir d’encourager l’innovation et la nécessité de rester compétitif dans une économie mondiale.

Alors, le management horizontal serait-il en passe de devenir la norme ? Des entreprises françaises comme Castorama ou encore Danone ont déjà sauté le pas. « Le management horizontal propose une boîte à outils aux managers et dirigeants souhaitant adapter leurs pratiques aux enjeux de leur époque », explique Bernard-Marie Chiquet, spécialiste du management horizontal chez Bpifrance Le Lab, le centre d’innovation de la banque publique d’investissement française.

En adoptant ce mode d’organisation, les collaborateurs gagnent en autonomie et se sentent plus libres de s’exprimer ou de faire preuve d’esprit d’initiative. « Le salarié qui gère son rôle comme il l’entend sera beaucoup plus efficace et investi que celui qui travaille sous la supervision d’un manager », affirme l’expert du Lab Bpifrance.

Ce type de structure organisationnelle en entreprise permet d’améliorer le bien-être des équipes en responsabilisant l’ensemble des collaborateurs. Contrairement au management vertical, le système horizontal mise sur l’intelligence collective et développe un environnement de travail créatif et stimulant. Ainsi, les entreprises qui se sont essayées à ce type de gouvernance horizontale, relatent avoir gagné en culture de l’innovation et estiment avoir accru leur capacité à faire face aux changements, explique M. Chiquet.

« La suppression des titres n’a d’effet que si elle est authentique »

Mais ce mode de management suscite aussi quelques critiques et peut comporter des limites. Son adoption peut prendre du temps et déstabiliser des collaborateurs habitués à fonctionner dans un modèle pyramidal. « Il n’est pas possible de passer sans transition d’un modèle où le lien de subordination régit toutes les relations entre managers et employés, à une organisation où le self-management est à l’œuvre », conclut Bernard-Marie Chiquet. D’autre part, la structure horizontale cultive une certaine idée de consensus, ce qui allonge les prises de décisions.

« La hiérarchie des responsabilités répond parfaitement à l’envie de la jeune génération de vouloir faire bouger les choses le plus rapidement possible dans l’entreprise », explique Heike Bruch, professeure de leadership à l’université de Saint-Gall et spécialiste des nouvelles formes de travail et de l’attractivité des employeurs, interrogé par Blick.

Bruch met toutefois en garde contre le risque de voir des travailleurs expérimentés faire défection : « Pour certains, il est toujours très important d’avoir un titre. Comme motivation, mais aussi comme preuve que l’on a accompli quelque chose. » Elle ajoute que la suppression des titres n’a d’effet que si elle est authentique et que la culture favorise réellement la coopération et un leadership moins hiérarchique. « Si les changements se limitent à la surface, ils sont démotivants pour toutes les personnes concernées », conclut-elle.

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Julie Carballo

Julie Carballo est correspondante pour Newsendip.

Auparavant, elle a notamment travaillé pour Le Figaro et au bureau de Rome pour l'AFP.