Le ministre de l’éducation nigérian a récemment déclaré vouloir suspendre la reconnaissance des diplômes kényans et ougandais. Cette annonce intervient quelques jours après la récente suspension de l’accréditation des diplômes béninois et togolais pour suspicion de fraude, ainsi que d’universités américaine et anglaise basées au Nigeria.
Les diplômés kényans et ougandais pourraient ne bientôt plus accéder au marché du travail nigérian. L’annonce fait suite à une décision prise le 2 janvier dernier par le ministère fédéral de l’éducation nigérian de suspendre temporairement la reconnaissance des diplômes issus des universités béninoises et togolaises.
Ces communications officielles ont été rendues publiques après une récente enquête menée par le reporter nigérian Umar Audu, publiée par le journal Daily Nigerian. Dans cet article, le journaliste infiltré détaille comment il est parvenu à entrer en contact avec un groupe de faussaires nigérians travaillant avec certains responsables universitaires béninois pour obtenir en moins de deux mois, un diplôme d’un programme de quatre ans, délivré par l’École supérieure de gestion et de technologie de Cotonou.
« Nous sommes au courant de ce problème depuis de nombreuses années mais l’enquête du Daily Nigerian a agi comme une prise de conscience. Nous n’allons pas nous arrêter au Bénin et au Togo », a déclaré mercredi le ministre de l’Éducation, Tahir Mamman, lors d’un entretien à la chaîne de télévision nigériane Channels. « Nous allons étendre la procédure à des pays comme l’Ouganda, le Kenya ou encore le Niger, où ces pratiques frauduleuses ont été mises en place », a‑t-il ajouté.
« Je n’ai aucune sympathie pour ceux qui possèdent de faux certificats. Ils ne sont pas des victimes mais font partie d’une chaîne criminelle qui devrait être arrêtée », a précisé le ministre.
15 000 étudiants nigérians concernés
Le Directeur général de l’enseignement supérieur béninois (DGES), Karim Issiaka Youssao, a tenu une conférence de presse le 5 janvier 2024 à Cotonou pour clarifier la controverse entourant la suspension de la reconnaissance des diplômes universitaires du Bénin et du Togo attribués aux étudiants nigérians.
En effet, le DGES a souligné que la plupart des diplômes mentionnés par le Nigeria sont émis par les établissements privés d’enseignement supérieur (EPES), notamment dans la section anglophone non autorisée au Bénin, comme relaté par le média Benin Web TV. Karim Issiaka Youssao a salué la décision du gouvernement nigérian de se joindre au Bénin dans la lutte contre les faux diplômes. Il a insisté sur la nécessité de renforcer la coopération entre les deux pays pour assurer la qualité et la validité des certifications académiques.
L’Association nationale des étudiants nigérians (NANS) de la République du Bénin, interrogée par TVC News Nigeria, a quant à elle appelé à la clémence concernant l’interdiction de validation des diplômes, affirmant que 15 000 étudiants nigérians se trouvant au Bénin seraient concernés par cette décision.
Côté ougandais, la directrice exécutive du Conseil National de l’Éducation Supérieure, Mary Okwakol, a précisé au Daily Monitor n’avoir reçu aucune plainte du Nigeria concernant la légitimité des diplômes universitaires ougandais. La directrice a exhorté toute personne ayant la preuve de faux diplômes à fournir des informations pour prendre les mesures nécessaires. Le ministère ougandais de l’Éducation, tout comme les autorités kényanes n’ont, à ce jour, pas réagi aux récentes allégations.
Des répercussions internationales
Ces dernières années, les grèves incessantes des universités publiques nigérianes, le grand nombre d’étudiants et les coupures d’électricité quotidiennes ont incité de plus en plus de jeunes nigérians à se tourner vers des universités privées, mais aussi vers l’étranger. Le Bénin, le Ghana et le Togo voisins, relativement stables politiquement, sont devenus les pays de prédilection pour ceux qui recherchent une admission plus rapide et un temps scolaire plus court.
Le Nigeria a ouvert une série d’enquêtes sur les ministères et agences chargés d’accréditer les diplômes universitaires obtenus à l’étranger. M. Mamman a souligné que cette mesure vise à protéger les employeurs nigérians et à maintenir l’intégrité des qualifications du pays.
La Commission nationale des universités a également pris la décision ce 5 janvier de radier 18 universités étrangères basées au Nigeria – notamment américaines, anglaises et ghanéennes – des listes des écoles accréditées par l’organisme de régulation, parmi lesquelles la London External Studies UK, les centres d’études de l’université internationale du Missouri ou encore l’université chrétienne d’Afrique de l’Ouest, toutes suspectées de fraudes similaires. Les écoles en question n’ont, à ce jour, pas donné suite.