En Hongrie, la police enquête sur de multiples cas de fraude à la sécurité sociale impliquant des sociétés vendant du matériel médical, des médecins et des centres médicalisés. Jusqu’à présent, la fraude aurait détourné 4,5 millions d’euros d’argent public.
La Hongrie a ajouté cinq personnes à la liste des suspects dans l’affaire d’une vaste fraude à la sécurité sociale avec des équipements médicaux, a annoncé la police nationale hongroise le 30 mars. La police du comté de Hajdú-Bihar, dans l’est de la Hongrie, a arrêté mardi une médecin et son assistante, une responsable d’entreprise et deux employées. Ils ont saisi des biens d’une valeur de plus de 332 millions de forints (873 000 euros) appartenant aux suspectes et à l’entreprise.
Le tribunal de district de Debrecen a ensuite approuvé la garde à vue des cinq personnes soupçonnées de fraude budgétaire commise par une organisation criminelle. Selon la police, l’entreprise basée à Békéscsaba, capitale de 60 000 habitants du comté de Békés dans le sud-est, aurait perçu illégalement plus d’un milliard de forints (2,6 millions d’euros) d’argent public au cours des cinq dernières années.
Ces arrestations s’ajoutent aux autres interventions qui ont débuté en novembre dernier dans le cadre d’une fraude à la sécurité sociale qui se révèle être d’une ampleur nationale. Le Bureau national d’enquête de Police-secours mène les enquêtes sur la base d’un rapport du Service de défense nationale, qui est chargé de la lutte contre la fraude et le crime organisé.
Souvent qualifiée de « mafia des chaussures médicales » dans les médias hongrois, la fraude s’opère via entreprises vendant du matériel médical qui se font rembourser par la sécurité sociale hongroise des accessoires prescrits par des médecins à des personnes, souvent d’un âge avancé, qui n’en ont pas besoin.
Les représentants régionaux de la société basée à Békéscsaba envoyaient des spécialistes en orthopédie afin d’effectuer des examens médicaux auprès des résidents des maisons de retraite. Ils prescrivaient ensuite des accessoires médicaux tels que des chaussures et des sièges orthopédiques, ainsi que des orthèses dorsales principalement utilisées pour traiter la scoliose chez les enfants, sans se soucier de savoir si les résidents en avaient réellement besoin. Et la société, après avoir fabriqué et livré des produits de mauvaise qualité, demandait, même sans autorisation, et recevait de l’argent de l’État de la part de la Caisse nationale d’assurance maladie (NEAK).
Au début du mois de mars, la police de Győr a perquisitionné simultanément dix sites et arrêté quatre autres personnes, dont l’une est toujours en détention, pour un schéma similaire. Basé à Szeged, une ville de 160 000 habitants située dans le sud de la Hongrie, l’un des deux médecins arrêtés avait prescrit 930 chaussures médicales. Il aurait aidé une entreprise basée à Budapest à gagner près de 50 millions de forints (132 000 euros). Selon les enquêteurs, la société a réclamé plus de 162 millions de forints (427 000 euros) à la NEAK pour près de 3 000 chaussures orthopédiques que les enquêteurs considèrent comme illégalement prescrites. Les deux médecins qui ont prescrit les chaussures n’avaient même pas rencontré les patients.
Le schéma est à peu près le même à travers le pays : une société vend de l’aide médicale et des médecins font des ordonnances pour des patients d’établissements médicalisés complices, comme des maisons de retraite ou des centres de soins pour personnes handicapées.
Les médecins prescrivaient souvent des dispositifs médicaux à partir d’une liste de patients que les entreprises leur envoyaient directement. Les entreprises recevaient ces listes de données personnelles sur les patients via diverses institutions sociales ou directement par le personnel des maisons de retraite. La livraison des produits pouvait même se faire par ambulance.
Les chaussures, généralement prescrites pour un seul pied, étaient même souvent vendues par paires. Les patients ne savaient pas que les chaussures qu’ils recevaient étaient des chaussures orthopédiques. Les médecins pouvaient même faire des ordonnances pour les mêmes patients plusieurs fois de suite. Pendant ce temps, les entreprises demandaient le remboursement le plus élevé possible, parfois en utilisant de faux documents, et les patients n’avaient souvent même pas à payer la franchise légale ou seulement une fraction de celle-ci.
La sécurité sociale hongroise rembourse environ 50 000 forints (132 euros) par botte médicale. La fraude portait également sur des produits autres que les chaussures, tels que des orthèses vertébrales et diverses aides à la marche, ainsi que des attelles pour les poignets et les genoux.
Depuis le début de la procédure en novembre, 37 personnes ont été mises en cause. Les deux tiers sont incarcérés, les autres restent sous contrôle judiciaire pénal ou sont en fuite. Les enquêtes se poursuivent, mais le système aurait détourné à ce jour au moins 1,7 milliard de forints (4,5 millions d’euros) d’argent public hongrois.
En novembre, le Dr Gyula Kinces, de la Chambre médicale hongroise, a déclaré au tabloïd hongrois Blikk qu’il était favorable à ce que de tels cas soient révélés, mais qu’il tenait à rassurer sur le fait « qu’il y a beaucoup plus de travailleurs honnêtes et que, heureusement, il y a peu de personnes sur le mauvais chemin ».
Dans un pays perçu comme ayant le pire bilan de l’Union européenne en matière de corruption dans le secteur public selon Transparency International, les enquêtes ne mentionnent pas si des soutiens au sein de la NEAK auraient été apportés à la fraude présumée.