En 2023, 36 % des Chiliens pensent que Pinochet a eu raison de faire un coup d’État

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31 mai 2023

Près de 50 ans après qu’Augusto Pinochet a pris le pouvoir par la force et instauré une dictature militaire, un tiers des Chiliens pensent qu’il avait raison. Si l’opinion des Chiliens à l’égard de Pinochet fluctue selon les moments, cette résurgence fait écho aux résultats des récentes élections.

Palais de la Moneda à Santiago du Chili.
Palais de la Moneda à Santiago du Chili. Le 11 Septembre 1973, le palais présidentiel de La Moneda, dans lequel s’est retranché le président Salvador Allende, subit les assauts des troupes dirigées par Augusto Pinochet | © Macarena Ollarzú

Au Chili, un tiers de la population a une opinion positive de la dictature d’Augusto Pinochet, une résurgence en faveur du régime qui fait écho avec le récent succès du parti républicain d’extrême droite lors des dernières élections.

Les résultats du baromètre politique CERC-Mori, publiés le 30 mai, suggèrent que le Chili n’a jamais porté un regard aussi positif sur la dictature depuis son retour à la démocratie. Cependant, l’opinion de la population fluctue fortement selon les moments.

Dans le dernier sondage, près de 50 ans après le coup d’État, plus d’un tiers des Chiliens soutiennent l’idée que le Chili a été libéré du marxisme ce jour-là, et seulement 4 sur 10 pensent que le coup d’État a détruit la démocratie.

Le 11 septembre 1973, les forces armées dirigées par Pinochet ont renversé le gouvernement socialiste de Salvador Allende. La dictature a duré 17 ans, avec de graves violations des droits de l’homme et plus de 3 200 morts et disparus.

En 1988, année du plébiscite public qui a marqué le retour de la démocratie, Pinochet avait recueilli 44 % des voix en sa faveur. Trente-cinq ans plus tard, le soutien de la population envers l’ancien dictateur n’a perdu que huit points de pourcentage.

Trente-six pour cent de la population pense toujours que le général Pinochet a eu raison de faire un coup d’État. Cette opinion a gagné 20 points de pourcentage en dix ans lorsqu’elle avait atteint un niveau historiquement bas (16 % en 2013). Lorsque la question a été posée pour la première fois en 2003 par l’institut de sondage, 36 % des Chiliens pensaient qu’il avait eu raison, pourcentage qui a diminué jusqu’en 2013 avant d’augmenter régulièrement jusqu’en 2023.

Cependant, 64 % des Chiliens considèrent également que Pinochet sera perçu comme un dictateur dans l’histoire.

Selon le cabinet d’études d’opinion, aucun pays occidental ne soutient autant un dictateur après son départ du pouvoir.

Les études du CERC sont menées depuis 1987 par le biais d’entretiens en face à face avec des personnes représentatives de la population chilienne, et n’ont été interrompues que pendant la pandémie de COVID-19.

Le ministre de la justice, Luis Cordero, a jugé les résultats « préoccupants » lors d’une interview à la radio. « Je pense que 50 ans après le coup d’État, nous devrions avoir un consensus de base. Premièrement, que briser l’ordre institutionnel pour en imposer un autre revient à rompre les bases essentielles de l’État de droit, et secondement qu’il n’y a aucune justification pour un combat politique qui justifie des violations systématiques des droits de l’homme. »

La population chilienne ne condamne pas catégoriquement la dictature, 47 % des personnes estimant que le régime militaire était en partie bon et en partie mauvais, tandis que 25 % seulement le perçoivent comme uniquement mauvais.

L’enquête a été réalisée en février et mars 2023 dans le contexte d’une forte opposition au gouvernement de gauche de Gabriel Boric, qui a pris ses fonctions en mars 2022, sur fond d’augmentation de la criminalité et d’immigration clandestine, d’inflation et de stagnation de l’économie.

Marta Lagos, fondatrice de MORI Chile, souligne que les Chiliens n’ont pas de position définitive sur la dictature et que leur évaluation dépend aussi du moment où les questions sont posées. Elle établit un lien direct entre l’opinion exprimée dans l’enquête et les récents votes pour le Conseil constitutionnel.

Le 7 mai, le parti républicain d’extrême droite a remporté la majorité des sièges au Conseil constitutionnel qui rédigera une nouvelle constitution. Il a recueilli un tiers des voix dans un pays où le vote est obligatoire, un chiffre équivalent de la population adulte qui perçoit la dictature d’un bon œil.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.