À quelques mois des prochaines élections présidentielles où il devrait briguer un second mandat, le président du Brésil Jair Bolsonaro tente de se sortir d’une position délicate sur le sujet du salaire des fonctionnaires.
Le 13 avril, le président brésilien Jair Bolsonaro a décidé d’accorder une augmentation de salaire de 5 % à tous les fonctionnaires fédéraux à partir de juillet, y compris les militaires, selon plusieurs médias brésiliens.
Cette décision récente fait suite à des semaines de controverse sur les salaires des employés du secteur public fédéral. Mais elle pourrait ne pas résoudre tous les problèmes du président sur le sujet.
Jair Bolsonaro avait clairement affiché sa volonté d’accorder une augmentation aux forces de l’ordre : les employés de la police fédérale, de la police fédérale autoroutière et du département pénitentiaire national.
Bien qu’il ait brièvement évoqué une augmentation de salaire pour tous les employés du secteur public en novembre, le président a ensuite annoncé en décembre que les augmentations salariales s’élèveraient à 2,8 milliards de reais (596 millions de dollars) pour les forces de l’ordre en 2022, et jusqu’à 11 milliards de reais d’ici 2024.
Le budget fédéral voté par le Congrès a finalement provisionné 1,7 milliard de reais pour les augmentations.
La police est bien connue être pourvoyeur de votes à Bolsonaro, le président brésilien cherchant à obtenir un second mandat en octobre. Mais les sondages d’opinion donnent pour l’instant Bolsonaro en deuxième position derrière l’ancien président Lula Da Silva.
L’idée de n’augmenter les salaires que pour une catégorie de fonctionnaires a irrité les autres, entraînant des grèves et des manifestations de la Banque centrale du Brésil et des douanes avant que le président ne signe le budget fédéral en janvier. Plus d’un millier de fonctionnaires ont remis leur lettre de démission, la moitié des employés de la banque centrale ont cessé de travailler pendant deux heures en signe de protestation.
Le président a finalement signé le budget fédéral 2022 et les 1,7 milliard de réais d’augmentation de salaire ont été approuvés, bien que l’affectation exacte des fonds n’ait pas été clairement indiquée, retardant la décision pour quelques temps.
Mais deux semaines plus tard, Bolsonaro a confirmé que cet argent était consacré aux salaires des forces de l’ordre et a envisagé de reporter l’augmentation à 2023 en fonction des réactions des autres employés du secteur public. Cependant, le budget pour 2023 ne sera signé que par le président élu en octobre.
Les employés de la banque centrale ont entamé le 1er avril une grève illimitée, une branche dont la voix est puissante car une grève massive à la banque centrale peut perturber les opérations financières du pays. Dans certains départements, plus de 50 % des employés sont en grève.
Des alternatives à l’augmentation de 5 % pour tous ont été envisagées, notamment des bons de 400 R$ (85 $). Mais une augmentation appliquée à tous était censée ramener le calme auprès de chacun.
Sauf que pour le syndicat de la Banque centrale nationale, une telle décision est loin d’être suffisante pour arrêter la grève. Le syndicat fait valoir que depuis leur dernier ajustement salarial, déjà de 5 % en 2019, leur salaire a perdu près de 25 % de pouvoir d’achat à cause de l’inflation.
L’augmentation de 5 pour cent est en effet même inférieure à l’inflation de 11,3 pour cent de ces 12 derniers mois, selon l’institut de statistiques du Brésil.
Le Brésil est confronté à des difficultés économiques, à des taux d’inflation élevés et ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre. Dans le contexte de la hausse des prix, le salaire minimum fédéral a augmenté de 10 % pour atteindre 1 212 R$ (223 $) (les gouvernements des États peuvent décider d’un minimum plus élevé). Mais les salaires de la plupart des fonctionnaires sont gelés depuis des années.
Les contrôleurs fiscaux, les forces de police, les employés de la banque centrale font partie des catégories les plus puissantes du secteur public et ont bénéficié d’un réajustement salarial en 2019 alors que de nombreux autres salaires de fonctionnaires fédéraux sont gelés depuis 2017.
En outre, le réajustement de 5 % devrait nécessiter 6,5 milliards de reais pour les six prochains mois, soit beaucoup plus que le 1,7 milliard de reais signé pour l’année en janvier, ce qui impliquerait des coupes budgétaires dans d’autres domaines. M. Bolsonaro avait déclaré plus tôt cette année que tous méritaient une augmentation, mais que c’était financièrement impossible. Le ministre de l’économie Paul Guedes a même déclaré la semaine dernière que cette solution pourrait « détruire l’économie du Brésil ».
Les relations de Bolsonaro avec l’administration a souvent été difficile. Et le nouveau dispositif, loin de satisfaire les employés du secteur public qui sont désormais inclus, pourrait également agacer les forces de l’ordre. La police a considéré l’information comme une « grande déception » car elle verrait son augmentation réduite. L’Association nationale des délégués de la police fédérale a évoqué une « rupture injuste de l’engagement ».
Les policiers sont également capables de descendre dans la rue si les augmentations ne leur conviennent pas. Des milliers d’employés des forces de l’ordre de l’État du Minas Gerais ont protesté contre l’augmentation de salaire proposée par le gouvernement de l’État, la jugeant trop faible. En octobre, les Brésiliens votent également pour élire les gouverneurs des États et les membres du Congrès en même temps que leur futur président.
Le Congrès devra en tout cas approuver une réaffectation budgétaire très prochainement. Le temps presse si Bolsonaro veut éviter tout conflit avec l’ensemble du secteur public avant les élections.
Les lois brésiliennes interdisent en effet toute augmentation de salaire dans l’ensemble de l’administration publique au cours des 180 derniers jours du mandat présidentiel afin d’éviter toute manœuvre électoraliste. La délai est passé depuis le 2 avril puisque le premier tour des élections se déroule le 2 octobre. Il ne peut pas non prendre de décision impactant le budget de la prochaine administration. Mais la réglementation s’applique lorsque l’augmentation dépasse le taux d’inflation de l’année électorale. Et le taux de 5 % serait inférieur au taux d’inflation envisagé de 7 %. Quoi qu’il en soit, toute modification sur les salaires devrait être mise en œuvre au plus tard le 4 juillet.