La définition du viol basée sur le consentement source de désaccords dans l’UE

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6 décembre 2023

Le Parlement européen (PE) a dénoncé la décision d’Emmanuel Macron, d’Olaf Scholz et d’autres ministres de rejeter la proposition de définir le viol uniquement en fonction du consentement exprimé dans l’UE. Les membres du Parlement se sont réunis le 23 novembre pour exiger sa mise en œuvre.

Carte de l'Europe
L’Union européenne est en désaccord sur la définition du viol. | © Anthony Beck

Les pays de l’Union européenne ne parviennent pas à s’entendre sur une définition du viol.

D’un côté, de nombreux États membres ont proposé de faire du viol une question de consentement dans toute l’UE. En d’autres termes, ils souhaitent qu’un rapport sexuel puisse être considéré comme un viol lorsque l’une des parties ne donne pas expressément son consentement. D’autre part, certains chefs d’État sont favorables à des définitions qui incluent « la menace, la contrainte, la surprise ou la violence » comme nécessaires pour constituer un viol, comme c’est le cas en France par exemple.

Le Conseil de l’Union européenne (CEU) en mai dernier avait choisi de ne pas appliquer une définition du viol qui considérait qu’il s’agit exclusivement d’une question de consentement, ce qui aurait alors supprimé les conditions de menace, contrainte, surprise ou violence.

Les membres ont estimé que cette définition serait trop étendue comme règle de base pour ce qui constitue légalement un viol. Une source de l’Union européenne nous a indiqué que le Luxembourg, l’Italie, la Grèce et la Belgique avaient fait une déclaration commune montrant leur désaccord avec la décision, affirmant qu’elle était due à un « manque d’ambition politique ».

Les députés européens se sont rassemblés et ont exprimé leur désaccord vis-à-vis de la décision le 23 novembre, à l’occasion de la Journée officielle pour la fin des violences envers les femmes. Ils ont critiqué plusieurs chefs d’État qui ont refusé la disposition.

Macron et les ministres de l’UE ont rejeté l’idée que le viol est une question de consentement clairement exprimé

Le processus législatif de l’UE est principalement divisé entre la Commission européenne (CE), le Parlement européen (PE) et le Conseil de l’Union européenne (CEU). La CE choisit les sujets sur lesquels légiférer. Le PE est composé de représentants des partis politiques qui participent à la rédaction des propositions de nouvelles lois. Le PE a rédigé un ensemble de lois relatives à la violence à l’égard des femmes, y compris la modification de la définition du viol.

« La proposition inclut la criminalisation […] du viol fondé sur l’absence de consentement, des mutilations génitales féminines, du partage non consensuel de matériel intime et manipulé, ainsi que du cyberharcèlement et de la cyberincitation à la violence ou à la haine », a déclaré Dubravka Šuica, vice-présidente de la Commission européenne au Parlement européen le 23 novembre.

Le CEU est composée de ministres et de chefs d’État des gouvernements des États membres qui peuvent approuver ou refuser les changements législatifs proposés. Il a approuvé la plupart des dispositions de la proposition le 17 mai, à l’exception de la modification de la définition du viol. La France et l’Allemagne font partie des pays qui définissent le viol en fonction de conditions spécifiques autres que le simple consentement.

« Il est honteux que des gouvernements comme ceux de la France et de l’Allemagne refusent toujours de comprendre que seul le “oui” signifie “oui” « , a déclaré Evin Incir, eurodéputée suédoise, le 23 novembre.

L’un des eurodéputés néerlandais, Bert-Jan Ruissen, s’est également plaint que l’une des dispositions criminalisait le fait d’essayer d’empêcher les avortements.

La violence sexuelle dans l’UE

La CEU reconnaît l’urgence de la violence à l’égard des femmes et a approuvé des mesures de soutien aux victimes de violences sexuelles.

« La violence à l’encontre des femmes et des jeunes filles est une tache sur notre société, a déclaré Gunnar Strömmer, ministre suédois de la justice. Ce projet de législation confirme avec force l’action de l’UE visant à garantir que les délits tels que les mutilations génitales féminines, le cyberharcèlement et le harcèlement électronique ne resteront pas impunis et que les victimes de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique bénéficieront du soutien et de la protection nécessaires. »

Selon la Commission européenne, au moins deux femmes sont tuées chaque semaine dans l’UE par un partenaire intime ou un membre de la famille.

La définition du viol reste contestée dans l’UE.

« Nous sommes en 2023 et la majorité de nos États membres refusent toujours d’inclure la législation la plus importante dans le paquet de lois – une définition du viol basée sur le consentement », a déclaré Mme Incir. Elle a également indiqué que les condamnations pour viol avaient augmenté de 75 % en Suède depuis que la définition du viol est sur le consentement exprimé.

Bien que les peines pour viol aient augmenté en Suède, les cas de viols signalés ont également augmenté depuis 2018, passant de 7 900 à 9 600 cas en 2022. Dans l’ensemble, en Europe, les signalements de violences sexuelles ont augmenté entre 2018 et 2021, selon Eurostat, ce qui peut s’expliquer par l’élargissement de la définition du viol dans plusieurs pays.

Cette année, l’UE a décidé d’adhérer à la Convention d’Istanbul, un ensemble de directives et d’objectifs visant à réduire la violence à l’égard des femmes. L’un des principes de la convention d’Istanbul est la criminalisation de tous les rapports sexuels non consentis, ce qui est au cœur de la question débattue dans l’UE. L’UE a approuvé la convention d’Istanbul, mais n’a pas adopté la définition du viol de cette convention.

Alexander Saraff Marcos

Alexander est rédacteur pour Newsendip.

Il possède la double nationalité américaine et espagnole et vit entre l'Espagne et la France. Il est diplômé de l'université de Pittsburgh avec une spécialisation en philosophie et en langue française. Il aime regarder et écrire sur l'e-sport sur son temps libre.