Le ministre de la Défense de Roumanie a confirmé que son pays envisageait d’acquérir la technologie « Iron Dome », le Dôme de fer, le système de défense aérienne de pointe d’Israël. Ce serait une première en Europe, mais leur intérêt pour le Iron Dome n’est pas si nouveau.

La Roumanie a confirmée être intéressée par l’acquisition de la technologie de l’Iron Dome, le Dôme de fer, le système de défense aérienne de pointe en service en Israël depuis 2011. Une opportunité pour Israël de le vendre à l’étranger puisqu’elle pourrait être le premier pays d’Europe à faire une telle acquisition. Mais c’était déjà d’actualité en 2018.
Le ministre de la défense de Roumanie Vasile Dîncu s’est rendu en Israël du 13 au 16 septembre où il a pu visiter les sièges de plusieurs entreprises de l’industrie de la défense et discuter des sujets de sécurité au Moyen-Orient et autour de la mer Noire.
M. Dîncu a d’abord refusé de commenter si la Roumanie était intéressée par le Dôme de fer dans une interview accordée au journal israélien Haaretz le 20 septembre. Toutefois, il a ensuite confirmé à la chaîne de télévision roumaine Digi24 l’intérêt du pays pour le système de défense israélien. « C’est une aspiration de notre part », a‑t-il déclaré le 27 septembre.
La Roumanie et Israël ne travaillent pour l’instant qu’au renouvellement de leur accord de coopération militaire, mais la Roumanie a « de bonnes chances de se protéger avec ce nouveau type de protection balistique. » En termes de calendrier, cela concerne « les cinq prochaines années », a ajouté le ministre.
Le Dôme de fer, souvent appelé Iron Dome, est un système de défense aérienne conçu pour se protéger des roquettes à courte portée et des missiles d’artillerie. Chaque batterie du Dôme de fer est équipée d’un radar, d’un calculateur et d’une unité de tir qui lance des missiles d’interception, qui peuvent protéger une zone jusqu’à environ 150 kilomètres.
Le Dôme de fer a une telle réputation que l’Ukraine a demandé à pouvoir l’utiliser contre l’invasion russe, bien que cette technologie soit surtout destinée à une zone peu étendue contre les roquettes, les drones, les hélicoptères, les mortiers et les missiles balistiques à courte portée. En mai 2021, le Dôme de fer avait par exemple neutralisé un grand nombre de roquettes lancés depuis la bande de Gaza vers Israël.
Les États-Unis doivent donner leur accord pour les contrats impliquant la vente du Dôme de Fer
Symbole de l’avancée technologique israélienne, les États-Unis ont également financé de manière substantielle la production de l’Iron Dome. Ainsi, les États-Unis doivent approuver la vente à un pays tiers, ce qui limite les acheteurs potentiels. Cependant, la Roumanie est un membre de l’OTAN qui a signé un accord de défense mutuelle avec les États-Unis il y a désormais 25 ans.
L’OTAN et les États-Unis ont des troupes déployées en Roumanie, un territoire qui fait partie du flanc est du bloc de l’OTAN. Du 12 au 23 septembre, 700 soldats roumains et des alliés de l’OTAN venus de France, des Pays-Bas, de Pologne, du Portugal et des États-Unis se sont entraînés à Smârdan, une ville de l’est de la Roumanie proche de la frontière sud de la Moldavie, de l’oblast d’Odesa, dans le sud-ouest de l’Ukraine, et de la mer Noire.
La Roumanie a 649 km de frontières avec l’Ukraine au nord et à l’est, et 245 km de côtes sur la mer Noire, son seul accès direct à la mer, une zone stratégique pour la sécurité régionale. Et depuis la guerre en Ukraine, les Roumains semblent se sentir plus en sécurité grâce à leur appartenance à l’OTAN.
La Roumanie est également un partenaire commercial clé pour les États-Unis, car elle est le premier pays à acheter leurs petits réacteurs modulaires, la toute dernière génération de centrales nucléaires civiles.
Les déclarations du ministre roumain de la Défense interviennent quelques jours après une réunion entre des représentants roumains et américains de la défense. Le 24 septembre, la secrétaire adjointe à la Défense des États-Unis, Celeste Wallander, et la secrétaire d’État roumaine, Simona Cojocaru, se sont rencontrées en Roumanie pour discuter des questions bilatérales de défense et de sécurité régionale, mais sans mentionner si l’acquisition du Dôme de Fer avait été discutée.
Le Dôme de fer est peut-être une technologie de pointe et efficace, mais il est perçu en Israël comme ne s’exportant pas si bien jusqu’à présent. Si les États-Unis ont acheté deux batteries, ils les ont utilisées comme test pour adopter leurs propres solutions. Coûteux, le Dôme de Fer serait également difficile à adapter à d’autres systèmes de défense. Singapour, le Canada, la Corée du Sud, l’Inde, la Finlande, la Slovaquie et la République tchèque n’ont par exemple acheté que le système de radar. La Corée du Sud souhaite également désormais développer son propre Iron Dome.
En 2016, pendant la présidence de Donald J. Trump, le régime autoritaire de l’Azerbaïdjan, a déclaré avoir acheté le Dôme de fer, ce qui serait le seul client de l’ensemble du système à ce jour.
En août, le Jerusalem Post a rapporté que Chypre avait trouvé un accord pour acheter le Dôme de Fer. Cependant, le ministère israélien de la défense n’a communiqué que sur des accords de défense en juin avec Chypre sans faire référence à l’Iron Dome.
Si la Roumanie acquiert le système du Dôme de fer, cela pourrait dont être une première en Europe selon Haaretz.
Pourtant, en 2018 déjà, la Roumanie et Israël avaient signé un plan de coopération bilatérale et le sujet était déjà d’actualité. Un mois plus tard, l’entreprise de défense israëlienne Rafael Advanced Defense Systems communiquait en effet avoir signé un accord avec Romaero, la plus grande entreprise roumaine dans l’industrie aérospatiale détenue en majorité par l’État, pour faciliter la production locale et le transfert de connaissances du…Dôme de fer.
Le communiqué de presse de Rafael mentionne en effet une coopération concernant le système Iron Dome, la version terrestre désormais appelée I‑Dome, ainsi que sa version navale, le C‑Dome Naval Air Defense System. À l’époque, Romaero aurait été intéressé pour exporter le système.
La Roumanie voudrait un transfert de compétences
Lors de sa récente visite en Israël, le ministre Dîncu a affirmé la disponibilité de la Roumanie à discuter d’une « coopération renforcée » en matière d’équipements et la volonté du pays d’investir afin de « permettre le transfert technologique et le savoir-faire israélien », selon le communiqué de presse.
« Nous avons une très bonne coopération dans le domaine de la formation conjointe, mais elle peut être encore renforcée en abordant de nouveaux domaines tels que la recherche et le développement, notamment les technologies émergentes et novatrices, l’intelligence artificielle ou la médecine militaire », a déclaré M. Dîncu lors de sa rencontre avec son homologue Benjamin Gantz. Tous deux ont aussi exprimé leur volonté « projets de coopération potentiels entre les deux pays ».
La Roumanie a déjà huit contrats avec Israël, qui ont abouti à la construction de quatre usines pour fabriquer des pièces de drones, des tourelles et des équipements électroniques. Elbit Systems, une entreprise de défense israélienne, est également actuellement en compétition dans trois appels d’offres en Roumanie pour des projets dans l’électronique, les radars et les drones. Mais cela concerne pas le Dôme de fer.
Pour moderniser l’armée roumaine et améliorer son savoir-faire en matière de défense, la Roumanie s’est montrée encline à ne pas acheter uniquement du matériel, mais aussi à accueillir des entreprises de fabrication et de production afin de bénéficier d’un transfert de connaissances, un point également abordé récemment avec la Corée du Sud qui prévoit de produire son propre Dôme de Fer.
Cela semble s’accorder sur la position d’Israël, qui souhaiterait obtenir une licence pour produire directement en Roumanie, selon le ministre Dîncu. « Cela nous permettra d’exporter les systèmes d’armes vers l’OTAN », a‑t-il justifié à Haaretz. De cette façon, la Roumanie pourrait finalement disposer du système du Dôme de fer, tout en aidant Israël, qui ne fait pas partie de l’OTAN, à commercialiser son Iron Dome à l’étranger. Cela rappelle tout de même la situation de 2018.
En 2018, le budget de la défense de la Roumanie était de 4,36 milliards de dollars, soit 2% de son produit intérieur brut. Début 2022, le pays prévoyait de le porter à 2,5%, soit 6,14 milliards de dollars, pour l’année 2022, suite à l’invasion de la Russie en Ukraine. La différence se situerait-elle là ?