Le Canada défend son industrie automobile contre les crédits d’impôt américains pour les véhicules électriques

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13 décembre 2021

Les États-Unis veulent faire passer une loi pour inciter l’achat de véhicules électriques produits sur leur sol. Mais le Canada veut défendre les intérêts de son industrie automobile contre le protectionnisme américain.

Voiture électrique
Dans leur Build Back Better Act, les États-Unis prévoient d’accorder jusqu’à 12 000 $ US de crédits d’impôt aux consommateurs américains s’ils achètent un véhicule électrique produit sur le sol américain. Pour le Canada, cela met en péril son industrie automobile et constitue une violation de leur accord de libre-échange. | © Chuttersnap

Le 10 décembre, la ministre canadienne des finances Chrystia Freeland et la ministre du commerce international Mary Ng ont envoyé une lettre aux leaders du Congrès à Washington pour les mettre en garde contre des représailles si le Build Back Better Act était adoptée sous sa forme actuelle.

Selon les ministres, le Build Back Better Act des États-Unis contient « des dispositions qui sont discriminatoires à l’égard du Canada, des travailleurs canadiens et de notre industrie automobile ».

12 000 $ US de crédit d’impôt pour les véhicules électriques construits aux États-Unis

La loi américaine Build Back Better Act est une initiative d’ampleur qui touche à un large éventail de domaines tels que le travail, l’éducation, les soins de santé, l’immigration, les impôts ou encore l’environnement. La version originale prévoyait un coût de 3 300 milliards de dollars, ce qui a ensuite été ramené à environ 2 200 milliards de dollars.

L’une des initiatives de la loi Build Back Better, « mieux reconstruire », consiste à accorder des crédits d’impôt d’une valeur de 12 500 dollars à une famille de classe moyenne si elle achète un véhicule électrique « fabriqué en Amérique avec des matériaux américains » et où les syndicats sont acceptés.

Le projet de loi a été adopté par la Chambre des représentants et attend l’aval du Sénat.

Le 17 novembre, le Premier ministre Justice Trudeau s’est dit « un peu préoccupé » par les crédits d’impôt pour véhicules électriques proposés par l’administration américaine pour les voitures de fabrication américaine.

En octobre, Mary Ng avait déjà envoyé une lettre informant que le projet de loi « aurait un impact négatif majeur sur l’avenir des véhicules électriques et de la production automobile au Canada ». Parce que les crédits d’impôt pour les véhicules électriques proposés seraient l’équivalent un tarif douanier de 34 % sur les véhicules électriques assemblés au Canada, selon les responsables canadiens.

Pour le Canada, une violation de l’accord USMCA

Le projet de loi proposé constitue « une abrogation de facto » de l’accord Canada-États-Unis-Mexique, le tout nouvel accord de libre-échange américain entré en vigueur en 2020 et remplaçant l’ALENA.

Le Mexique a également dénoncé le système de crédit d’impôt américain comme une violation de l’ACEUM.

L’ACEUM, USMCA ou CUSMA en Anglais, exige que 75 % de la valeur du contenu d’un véhicule provienne de ces trois pays d’Amérique du Nord (contre 62,5 % avec l’ALENA).

Le Canada n’a peut-être pas de constructeur automobile reconnu, mais le pays est un grand fabricant dans une industrie automobile mondialement interconnectée. Selon l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, les composants automobiles peuvent traverser les frontières nord-américaines jusqu’à huit fois avant d’être installés dans une chaîne de montage finale.

L’automobile constitue le deuxième secteur d’exportation canadienne en valeur, dont 93 % ont été exportés vers les États-Unis en 2020.

D’un autre côté, les véhicules assemblés au Canada sont fabriqués avec 50% de pièces provenant des États-Unis. De plus, le Canada achète environ 10% de la production automobile américaine, ce qui en fait le premier marché d’exportation des voitures américaines.

« Le Canada défendra ses intérêts », prévient la dernière lettre envoyée.

Réponses potentielles avec augmentation des droits de douane sur les produits américains

Et le Canada a exposé les réponses potentielles qu’il pourrait appliquer si le crédit d’impôt était adopté. Le Canada pourrait suspendre les contingents tarifaires, des taxes à taux préférentiel, sur les produits laitiers ou retarder la mise en œuvre des modifications apportées aux droits d’auteur.

Sous l’USMCA, le lait ultrafiltré américain entrant au Canada n’est plus restreint par des quotas. Les producteurs américains ont également accès à 3,6 % supplémentaire du marché canadien des produits laitiers.

Avec l’ACEUM, le Canada a accepté d’aligner ses conditions de droits d’auteur sur celles des États-Unis en les faisant passer de 50 à 70 ans après la mort de l’auteur.

Le gouvernement canadien va également dresser une liste des produits américains potentiellement touchés par l’augmentation des tarifs douaniers. Elle comprendrait le secteur automobile mais les mesures seraient étendues à plusieurs autres industries en guise de représailles.

En 2018, lorsque les États-Unis ont augmenté les droits de douane sur l’acier et l’aluminium, le Canada a répliqué avec les mêmes droits de douane et a ajouté un droit de douane de 10 % supplémentaires sur des produits de grande consommation américains comme le bourbon du Kentucky, les cartes à jouer, les tondeuses, le ketchup ou les bateaux. Un an plus tard, les deux parties avaient mis fin aux tarifs douaniers.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.