Depuis des années, le gouvernement russe est celui qui est le plus actif pour demander à Google de supprimer des contenus. Mais en 2022, le nombre de demandes russes a augmenté de 71 %. Toutefois, contrairement à ce qu’il affiche sur son site internet, Google s’est majoritairement conformé aux demandes de retrait des autorités russes.

Google traite chaque jour des millions de demandes, émanant principalement de détenteurs de droits d’auteur, visant à retirer du contenu de ses produits tels que YouTube, son moteur de recherche, Google Image, Google Maps, Gmail, etc. Il supprime également toute image pédopornographique s’il la détecte, sans qu’aucune demande ne soit nécessaire.
Mais Alphabet, la société mère de Google, reçoit également des demandes de suppression de contenu de la part de gouvernements à différents niveaux, qu’il s’agisse d’ordonnances judiciaires, d’agences gouvernementales nationales et locales ou de forces de l’ordre.
Et en 2022, le gouvernement russe a été de loin le plus actif dans les demandes de suppression de contenu, avec 58 000 demandes, selon le rapport de transparence de Google.
Alors que Yandex est le moteur de recherche le plus utilisé en Russie, le pays a représenté à lui seul 64 % de toutes les demandes gouvernementales adressées à Google. La Russie a toujours été le pays qui a fait le plus de demandes de suppression de contenu dans les produits Google.
Mais depuis que la Russie a envahi l’Ukraine en janvier 2022, le nombre de demandes a augmenté de 71 % sur l’année, avec une activité encore plus importante au cours du second semestre, montrant une fois de plus que les batailles se déroulent également sur le champ de la communication.
En 2020 et 2021, près de la moitié des demandes russes étaient liées à des questions de droits d’auteur, selon le rapport. Les demandes motivées par des raisons de sécurité nationale représentaient 19 % (5 900) et 23 % (7 800) de requêtes de retrait.
Mais en 2022, la sécurité nationale était le motif de 61 % des 58 000 demandes de suppression de contenu en ligne.
Roskomnadzor, l’agence fédérale russe responsable de la censure, a par exemple envoyé une demande de suppression de 63 vidéos et commentaires YouTube liés à la mobilisation militaire partielle russe annoncée en septembre 2022. Dans ce cas, Google n’a restreint l’accès qu’à une seule vidéo YouTube en Russie, car elle conseillait l’utilisation de poison pour éviter la mobilisation partielle.
Google a supprimé 88 % du contenu dénoncé par les autorités russes

Fin janvier 2022, Roskomnadzor a ajouté 636 URL concernant le président chinois Xi Jinping à la liste de blocage de son moteur de recherche, y compris sa page Wikipédia en chinois, en russe et en anglais, ainsi que des articles de The Economist, du New York Times ou de la BBC. Google n’a pas déréférencé ces pages soit parce qu’elles n’apparaissaient pas dans les résultats de recherche de Google, soit en raison d’un manque d’informations sur les raisons de la demande.
Un tribunal russe a également condamné Google à une amende de 372,5 millions de dollars pour n’avoir pas retiré 27 vidéos de YouTube à la demande de Roskomnadzor. Ces vidéos concernaient la guerre en Ukraine et comprenaient « des discours politiques, des reportages officiels et des commentaires de blogueurs populaires », selon le rapport de Google. L’entreprise américaine a fait appel de la décision de justice.
Mais dans l’ensemble, le site de Google semble indiquer à tort que l’entreprise n’aurait pris aucune mesure pour la plupart des éléments demandés à être retirés par les autorités russes en 2022 et qu’elle n’en aurait supprimé qu’un tiers.
Or, Google s’est conformé aux demandes de retrait de contenu et a supprimé 88 % des éléments dénoncés par les autorités russes, selon les données du rapport et contrairement à ce qu’indique Google sur son site internet.
Les données du rapport correspondent également à ce qui est affiché pour d’autres pays comme la Corée du Sud, la France ou l’Australie. Google a supprimé 46 % des éléments demandés par la Corée du Sud pour des raisons légales au cours du second semestre 2022.
Alerté de cette incohérence, Google n’a pas modifié les données affichées sur le site au moment d’écrire ces lignes.
En 2022, Google a supprimé 52 % des éléments soumis par des gouvernements autres que la Russie.
Tous pays et motifs confondus, YouTube représente 61 % des demandes de retrait, et la quasi-totalité des demandes relatives à la sécurité nationale de la Russie concernaient des contenus publiés sur YouTube.
De son côté, l’Ukraine a envoyé 89 demandes de retrait de contenu, un chiffre similaire au nombre de demandes qu’elle a émises les années précédentes.
Le deuxième pays qui a soumis le plus de demandes en 2022, de même que les années précédentes, est la Corée du Sud (9 600), principalement pour des raisons de confidentialité et de sécurité, et suivie par l’Inde (5 300).