La cour d’appel d’Amsterdam a confirmé une décision autorisant des squatters à rester dans l’immeuble appartenant à Arkady Volozh, un milliardaire russe sanctionné en Europe dans le cadre de la guerre en Ukraine.
Des squatters qui vivent à Amsterdam dans l’immeuble d’un milliardaire russe peuvent rester sur place. L’expulsion entraînerait une vacance injustifiée, a confirmé la cour d’appel d’Amsterdam le 16 mai.
L’immeuble est situé dans la Vossiusstraat, à côté du Vondelpark, le plus grand parc de la ville d’Amsterdam et le plus célèbre des Pays-Bas. La maison appartient à Arkady Volozh par l’intermédiaire d’une société offshore enregistrée dans les îles Vierges britanniques, Paraseven Ltd.
Le fondateur du moteur de recherche Yandex a été sanctionné et a vu tous ses avoirs gelés par la Commission européenne en juin 2022 pour avoir diffusé de fausses informations et manipulé les résultats de recherche sur la guerre en Ukraine par l’intermédiaire du surnommé Google russe.
Officiellement, la maison mère Yandex N.V. a son siège social à l’aéroport Schiphol d’Amsterdam.
Comme l’a d’abord révélé le journal néerlandais NRC, deux étages du manoir ont été achetés en 2018, suivis des appartements supérieurs et du grenier en 2019 pour un total de 3,4 millions d’euros.
Les autorités néerlandaises n’avaient alors pas recensé l’immeuble de six étages lorsqu’elles ont commencé à rechercher des actifs appartenant à des Russes aux Pays-Bas dans le cadre des sanctions, malgré une lettre envoyée par un commissaire de Yandex, à laquelle la télévision publique NOS a eu accès, signalant la propriété au ministère des Finances.
L’immeuble de haut standing fait l’objet de travaux depuis 2020, avec l’aménagement d’un toit terrasse et l’installation d’un sauna entre autres modifications. Selon l’entreprise mandatée pour les travaux dans son signalement du squat à la police, la rénovation était terminée à 85 % lorsque des personnes ont commencé à y vivre sans autorisation en octobre 2022.
Ils ont accroché à la façade du bâtiment du XIXe siècle une banderole sur laquelle est écrit en anglais « Against war and capitalism » (Contre la guerre et le capitalisme). Sur une autre banderole, écrite en russe, y était inscrit « Yandex + FSB = ❤️ ». FSB est l’acronyme du Service fédéral de sécurité de Russie, le successeur du KGB de l’Union soviétique.
Paraseven a donc saisi le tribunal de district d’Amsterdam en novembre pour demander l’expulsion des occupants.
La partie plaignante a fait valoir en novembre que M. Volozh, le propriétaire effectif final, et sa famille avaient l’intention d’utiliser le bâtiment à des fins personnelles et qu’il avait démissionné de son poste de PDG de Yandex après les sanctions. En outre, l’immeuble n’était pas vide puisqu’il était en cours de rénovation.
Mais le tribunal d’Amsterdam a rejeté la demande. Il a estimé que la rénovation était contraire aux sanctions en vigueur, d’autant plus que la configuration du bâtiment en plusieurs appartements pouvait laisser penser que certains d’entre eux seraient loués ou vendus avec une plus-value, laissant présager des gains financiers d’actifs gelés.
Par ailleurs, la Cour a estimé qu’il n’était pas plausible que M. Volozh et sa famille résident dans la propriété dans un avenir proche en raison des sanctions. Étant donné que M. Volozh n’est plus le PDG de Yandex, il n’a plus non plus de liens économiques avec Amsterdam.
Mais Paraseven a fait appel de la décision. Leur a apporté des preuves supplémentaires que le bâtiment était destiné à un usage résidentiel et que la famille de M. Volozh pouvait utiliser la maison quand elle le souhaitait puisqu’elle n’était pas incluse dans la liste des sanctions.
Toutefois, la Cour d’appel a confirmé la décision du tribunal de première instance, car rien n’indiquait que la famille pourrait bientôt se rendre à Amsterdam, les travaux de rénovation ayant été interrompus et toutes les ressources économiques pour vivre dans le pays ayant été gelées. « Il n’y a pas un intérêt urgent à l’expulsion réclamée », selon l’arrêt de la Cour d’appel.
En somme, les occupants peuvent vivre dans l’immeuble puisque les propriétaires ne peuvent pas y être.
L’avocat de la société a déclaré qu’elle porterait la décision devant la Cour suprême, la plus haute juridiction des Pays-Bas, toujours en affirmant que la décision constitue une mauvaise application des sanctions européennes et une violation des droits de propriété de la famille.
Les squatters utilisent l’immeuble pour organiser des fêtes et des événements qui attirent beaucoup de monde et peuvent causer des nuisances au voisinage. Les événements vont d’ateliers de travail et d’une soupe publique à des projections de films et des fêtes avec bars et DJ.
La Cour a alors rappelé que les occupants peuvent toujours être expulsés s’ils agissent de manière contraire à l’usage d’habitation de l’immeuble ou s’ils causent régulièrement des nuisances.
Pour le moment, jusqu’à dix personnes peuvent vivre dans l’immeuble de luxe, qui n’a ni électricité ni chauffage.