Alors que le Japon est confronté au vieillissement de sa population et au casse-tête de ses maisons abandonnées, de nouvelles mesures ne semblent que des pansements de fortune tandis que les étrangers peuvent le voir comme une opportunité.

Sur le site internet All Akiyas (allakiyas.com), une maison vide de 149 mètres carrés répartie sur deux étages avec près de 650 mètres carrés de terrain, des commodités modernes et un garage est en vente dans la préfecture de Nagano, à 172 kilomètres de Tokyo.
Le prix de ce logement récemment rénové ? Environ 4 millions de yens, soit un peu plus de 25 000 euros.
« Akiya » est un mot japonais qui signifie « maison vide », et selon l’étude la plus récente du ministère des Affaires intérieures, le Japon comptait près de huit millions et demi de logements de ce type en 2018, soit 13,6 % de l’ensemble des habitations du pays. C’est moitié plus que les 5,76 millions de logements vacants recensés en 1998.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi tant de logements restent vacants au Japon.
Tout d’abord, les Japonais ont tendance à rechercher des maisons récentes à acheter. Certains ne veulent pas se séparer de maisons par nostalgie ou les vendre à cause du système de succession. D’autres ne veulent pas conserver les propriétés de parents décédés pour des raisons financières ou d’entretien.
Par ailleurs, l’assiette de la taxe foncière correspond à un sixième de la valeur estimée d’une propriété, même lorsque la valeur de la maison est proche de zéro.
Le nombre de ces logements ne devrait faire qu’augmenter après 2025, lorsque la génération des baby-boomers, née entre 1947 et 1949, atteindra l’âge de 75 ans ou plus et décidera de quitter des logements devenus trop grands. Juwai IQI, une société spécialisée dans les technologies immobilières, prévoit même que d’ici 2033, un logement sur trois sera vide au Japon.
Les logements vacants au Japon, une opportunité potentielle pour les étrangers
Les étrangers qui s’installent ou vivent au Japon pourraient constituer une solution au problème de l’akiya.
Selon des données gouvernementales récemment publiées par l’Agence des services d’immigration, 3 200 000 étrangers vivent au Japon, un pays de 122 millions d’habitants, soit 150 000 de plus qu’à la fin du mois de décembre 2022. Il s’agit du nombre le plus élevé de ressortissants étrangers vivant dans le pays. Par nationalité, c’est la Chine qui compte le plus grand nombre de citoyens vivant au Japon, suivie du Viêt Nam et de la Corée du Sud.
Comme les étrangers n’ont généralement pas de problèmes avec les logements vides, les prix bas et la disponibilité des akiya pourraient s’avérer positifs.
Anton Wormann, un expatrié suédois d’une trentaine d’années qui vit actuellement au Japon, a récemment gagné des centaines de milliers de followers sur ses réseaux sociaux en montrant comment il a acheté et rénové un logement à Tokyo pour 10 millions de yens (63 000 euros).
La maison de 90 mètres carrés était inoccupée depuis si longtemps que les propriétaires ont été surpris de son intérêt, et ravis lorsqu’ils ont vu comment il avait transformé leur ancienne maison.
« Au Japon, on préfère les maisons récentes, explique-t-il. Elles sont peut-être nécessaires pour relancer l’économie, mais cette façon de penser limite les options. Briser les idées reçues, telles que “une maison inoccupée n’est pas belle” ou “de toute façon, elle ne se vendra pas”, pourrait être une étape vers la résolution du problème des maisons inoccupées », a déclaré M. Wormann lors d’une interview accordée au quotidien japonais Asahi Shinbun.
Une autre façon de s’attaquer au problème des akiya est entrée en vigueur en décembre dernier, avec la mise en œuvre d’une loi révisée concernant les maisons vacantes. La principale modification apportée par l’amendement est l’augmentation des situations pour lesquelles la réduction de l’impôt foncier ne s’applique pas.
Par exemple, un maire peut conseiller au propriétaire d’une « maison vide spécifiée » qui n’a pas été entretenue de prendre les mesures appropriées. Si le propriétaire ne suit pas les instructions, le maire peut lui adresser un avertissement. La réduction d’impôt devient alors inapplicable. La loi permet également aux maires de demander aux tribunaux de nommer un administrateur lorsqu’un propriétaire est décédé.
Mesures visant à encourager l’entretien des propriétés
Selon l’ancienne loi, appelée « Loi sur la promotion de mesures spéciales contre les maisons vides », les maires pouvaient avertir les propriétaires d’agir si leur maison était considérée comme un danger pour la sécurité ou comme en mauvais état visuel. Si le propriétaire ne réagissait pas, la maison pouvait être démolie, des amendes pouvaient être imposées et le crédit d’impôt pouvait être perdu. La nouvelle loi renforce ces mesures.
L’objectif est d’encourager les propriétaires à entretenir activement leurs biens, afin d’éviter qu’ils ne s’effondrent pour cause de négligence.
La loi révisée a également assoupli certains aspects, facilitant la transformation des maisons en une autre activité, comme un café.
Le ministère des affaires foncières a établi de nouveaux critères sur la sécurité, l’hygiène et l’apparence pour déterminer à quoi ressemble un logement inoccupé en mauvais état. De nombreuses municipalités devraient procéder à des enquêtes et fournir des recommandations aux propriétaires cette année.
Selon le quotidien Asahi shimbun, le gouvernement de la ville de Hitachinaka, dans la préfecture d’Ibaraki, a déjà mis en œuvre cette initiative depuis 2016, à ses propres frais. Des agents administratifs visitent les maisons abandonnées et leur attribuent une note basée sur des critères tels que l’abondance de la végétation dans des jardins non entretenus, les déchets, les dommages causés aux maisons, etc. Si une propriété atteint un certain score, elle est considérée comme « mal gérée ». Trente-neuf maisons ont été considérées comme mal gérées entre 2016 et 2022. À ce moment-là, les autorités municipales encouragent les propriétaires à apporter des améliorations à leur logement.
Le gouvernement offre également de l’argent aux familles qui souhaitent s’installer dans les zones rurales.
Mais si les propriétaires japonais continuent de laisser leurs maisons à l’abandon, le nombre d’acheteurs étrangers, aidés par un yen au plus bas en 50 ans, qui lorgnent sur le marché pourrait augmenter régulièrement.
Bien que le prix de l’immobilier est en hausse dans les zones très demandées, ce qui peut aussi avoir des effets négatifs en bout de chaîne pour la population locale, les tarifs restent relativement accessibles pour les investisseurs étrangers par rapport aux pays voisins. Un logement dans des villes comme Tokyo, Yokohama, Osaka et Fukuoka peut coûter entre 169 000 et 580 000 euros, alors que c’est presque le double dans d’autres grandes villes comparables d’Asie.
« L’une des raisons pour lesquelles les acheteurs de Hong Kong achètent des maisons abandonnées, est qu’ils les exploitent comme propriétés de vacances pour Airbnb, a déclaré Kazuaki Nebu, directeur national de la société immobilière IQI Japan, lors d’une interview accordée au South China Morning Post l’année dernière. Ils peuvent résider dans une belle région du Japon, dans une maison traditionnelle, et gagner de l’argent grâce aux visiteurs. C’est l’accomplissement d’un rêve pour beaucoup. »