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Pénurie d’alcool sur l’île aux épices : le ministre du tourisme de Zanzibar démissionne

4 minutes de lecture
6 février 2024

Zanzibar, destination touristique de choix pour de plus en plus d’européens ces dernières années, traverse une crise dévastatrice pour le tourisme : une grave pénurie d’alcool frappe l’archipel tanzanien depuis quelques semaines.

Plage au Zanzibar
L’industrie du tourisme à Zanzibar craint que la pénurie d’alcool frustre ses clients | © Julie Carballo

Réputée pour ses plages de rêve et son riche patrimoine culturel, l’île de Zanzibar, joyau du tourisme africain, est confronté à ce que certains médias locaux appellent une « crise de l’alcool ».

La pénurie de bières et spiritueux est telle que certains bars ont commencé à ne servir que des boissons non alcoolisées. Beaucoup s’inquiètent déjà de ce phénomène qui pourrait menacer l’industrie touristique florissante de l’archipel.

La fabrication locale d’alcool est interdite à Zanzibar, dont la population de 1,3 million d’habitants est en grande majorité musulmane. L’alcool vendu sur l’île provient de la Tanzanie continentale, ou de divers pays importateurs comme l’Afrique du Sud.

La pénurie a commencé au début janvier lorsque le Zanzibar Liquor Control Board (ZLCB), organisme de régulation des ventes d’alcools géré par le gouvernement semi-autonome de l’île, a procédé à des changements en délivrant des licences d’importation à de nouveaux agents, laissant de côté les anciens importateurs : Scotch store Ltd, One-stop et ZMMI (Zanzibar Maritime and Mercantile International Company Ltd), qui approvisionnaient l’île depuis plus de vingt ans.

Si les raisons pour lesquelles les licences de ces entreprises n’ont pas été renouvelées ne sont pas claires, les trois nouvelles sociétés qui se sont vu octroyer un permis d’exporter de l’alcool – Kifaru, Bevko et Zanzi Imports – peinent à répondre à la demande.

Les conditions d’obtention d’une licence sont assez contraignantes à Zanzibar : les importateurs d’alcool doivent être des résidents nés sur l’île, avoir un casier judiciaire vierge, disposer d’un entrepôt, d’un véhicule de livraison et payer une taxe annuelle de 12 000 dollars à l’organisme de réglementation, soit un peu plus de 11 000 euros.

Un long processus d’approbation

Selon les médias locaux, les nouvelles entreprises importatrices seraient empêtrées dans un long processus d’approbation, principalement dû au fait que certains non-résidents seraient impliqués dans les opérations des entreprises. La situation s’est compliquée davantage après que les trois anciens détenteurs de licences ont déposé des recours, demandant au gouvernement de renouveler leurs permis d’importation d’alcool.

Les problèmes qui menacent le secteur ont déjà fait fuir le ministre du tourisme de l’île, Simai Mohammed Said, dont la démission a été annoncée par le président Hussein Mwinyi, via un communiqué de presse le 26 janvier dernier.

Le ministre, qui a expliqué sa démission par « des mauvaises conditions de travail », avait déclaré lors d’une conférence de presse tenue peu de temps avant sa démission que « l’industrie hôtelière était affaiblie par une mauvaise planification, ce qui a entraîné la pénurie d’alcool ».

« Si nous ne parvenons pas à planifier et à avoir des stocks suffisants de boissons alcoolisées, nous frustrerons nos visiteurs », avait-t-il ajouté. Il avait également accusé le Zanzibar Liquor Control Board, affirmant qu’il accordait des licences à de nouveaux venus au détriment des anciens importateurs.

Lors de la prestation de serment du nouveau ministre du tourisme la semaine passée, le président du gouvernement de Zanzibar, Hussein Mwinyi, a laissé entendre que M. Said aurait dû être plus honnête lors de l’annonce de sa démission en évoquant les réelles raisons de sa décision qui serait basée, selon lui, sur une histoire de conflit d’intérêts. Certains médias locaux évoquent des liens entre l’ancien ministre du tourisme et certains gérants des anciennes agences d’importations d’alcool.

Le prix de la bière a presque doublé

Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement d’alcool ont provoqué une hausse du prix de la bière de près de 100%, passant de 2 500 shillings tanzaniens (un peu moins d’un euro) à 5 000 shillings tanzaniens, soit un peu moins de deux euros. Certaines marques de bières tanzaniennes, comme Safari ou Kilimanjaro, sont quant à elles, totalement hors de portée des clients.

« Nous sommes à court de bière depuis plusieurs jours », explique le propriétaire d’un hôtel à Paje, une zone balnéaire de l’Est de l’île, interrogé par Newsendip. « C’est la haute saison et une grande part de notre chiffre d’affaires dépend des ventes d’alcool. L’île se remet tout juste de la pénurie de visiteurs engendrée par la crise du Covid-19. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des touristes et espérons que la situation va se régler très vite. »

Le tourisme contribue à hauteur de 27 % au PIB de Zanzibar et à environ 60 000 emplois. Avec la crise du Covid-19, la croissance du PIB de l’île s’était ralentie pour atteindre environ 1,3 % en 2020, en raison d’une baisse de l’activité touristique. Le sous-secteur de l’hébergement et de la restauration avait été le plus durement touché, avec une baisse de 13 % de ses revenus et la pauvreté urbaine a augmenté de près de 2 points de pourcentage en 2020, selon des données récentes de la Banque mondiale.

L’île tanzanienne, autrefois au centre du commerce des épices, avait cependant su rebondir, enregistrant une augmentation remarquable de 16,4 % du nombre de visiteurs internationaux en 2023, avec un nombre record de 638 498 touristes sur l’année, selon les chiffres du bureau des statistiques de Zanzibar.

La semaine dernière, un partenariat promotionnel entre le gouvernement de Zanzibar et le célèbre club anglais de Premier League, Chelsea FC, a été annoncé en grande pompe par le président Mwinyi.

Cette association, qui n’est pas sans rappeler la collaboration entre l’office du tourisme du Rwanda et le club anglais d’Arsenal, a pour but premier de booster le tourisme sur l’île et offrira également des possibilités de développement pour les jeunes locaux par le biais d’académies de football.

Un an après la signature du contrat entre Arsenal et « Visit Rwanda », l’ancienne cheffe du bureau du tourisme du Rwanda, Belise Kariza, avait déclaré que les bénéfices accumulés étaient évalués à près 36 millions de livres sterling (42 millions d’euros). Espérons que l’alcool sera de retour dans les rayons avant l’arrivée des touristes britanniques…

Julie Carballo

Julie Carballo est correspondante pour Newsendip.

Auparavant, elle a notamment travaillé pour Le Figaro et au bureau de Rome pour l'AFP.