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Réunions secrètes : le président du Pérou accusé d’être “à la tête d’une organisation criminelle”

6 minutes de lecture
4 mars 2022

Une lobbyiste accuse le président du Pérou Pedro Castillo d’être à la tête d’une organisation criminelle manipulant les appels d’offres lors de réunions clandestines.

Pedro Castillo, Président du Pérou
Pedro Castillo, Président du Pérou | Février 2022, Presidencia Perú

Le 17 décembre, le ministère publica inspecté les propriétés de Karelim López et Bruno Pacheco dans le cadre d’une enquête sur le trafic d’influence.

La perquisition était liée à des soupçons de corruption concernant un appel d’offres du ministère des Transports pour la construction d’un pont, le Puente Tarata III, à San Martin, une région isolée dans la forêt amazonienne au nord du Pérou. Le ministère des Transports et des Communications a finalement annulé le contrat après des irrégularités dans la conclusion du contrat en janvier.

Karelim López, 41 ans, est une lobbyiste qui gravite autour des politiques du pays pour représenter ses entreprises clientes depuis de nombreuses années.

Face à une potentielle condamnation et à de la prison, Karelim López a décidé mi-février de coopérer avec les autorités, en reconnaissant au procureur contre le blanchiment d’argent sa participation à des tentatives de corruption. Dans des documents qui ne sont pas publics mais dont les médias font abondamment état, elle aurait accusé le président du Pérou Pedro Castillo d’être à la tête d’une organisation criminelle Ce « groupe mafieux » manipulerait les appels d’offres publiques et arrangerait le gain des marchés.

« J’ai besoin de payer les personnes qui ont financé ma campagne », aurait dit le président à López.

Les présidents du Pérou sont régulièrement impliqués dans des soupçons de corruption.

Des politiques et l’ancien secrétaire général seraient impliqués dans ce réseau de corruption.

Les allégations faites au bureau du procureur contre le blanchiment d’argent doivent encore faire l’objet d’une enquête et être prouvées par les autorités. Mais elles ont fait l’effet d’une petite bombe pour une administration qui a déjà vu plusieurs ministres démissionner en seulement 8 mois.

L’équipe rapprochée du président serait composée de membres de sa famille facilitant les opérations, de l’ancien secrétaire général Bruno Pacheco, du ministre des Transports et de la Communication Juan Silva, et de cinq membres du Congrès du parti de droite Action populaire appelé Los Niños.

Selon Karelim López, Los Niños obéiraient à faire politiquement tout ce que le président leur dit de faire en échange de contrats publics. Ils rejettent ces affirmations.

Le réseau incluerait beaucoup plus de personnes et d’entreprises, dont plusieurs sociétés de construction chinoises ainsi que des procureurs anti-corruption qui auraient protégé les manœuvres du président.

Bruno Pacheco, l’ancien secrétaire général du président, mis en examen avec Karelim López pour le contrat concernant le pont Puente Tarata III à San Martin, est étroitement surveillé par les autorités. En décembre, la justice péruvienne lui a interdit de quitter le pays pendant 8 mois car il fait l’objet d’une enquête pour trafic d’influence aggravé contre le pays.

En novembre, les autorités ont trouvé 20 000 dollars en espèces cachés dans les toilettes de son bureau au palais du gouvernement, qui est le siège du gouvernement et également la résidence officielle du président.

Bruno Pacheco est également soupçonné d’avoir interféré dans la nomination de militaires haut gradés, ainsi que d’avoir fait pression sur diverses agences pour influencer les nominations de personnes.

L’ancien ministre de l’Énergie et des Mines, Iván Merino, a déclaré que Bruno Pacheco avait fait pression sur lui pour qu’il nomme Hugo Chávez Arévalo au poste de directeur général de PetroPerú, la compagnie pétrolière d’État, ce qu’il a catégoriquement refusé de faire. Hugo Ángel Chávez fut nommé directeur général un jour après qu’Iván Merino eut démissionné de son poste en octobre.

En novembre, Pacheco a démissionné de son poste, qu’il n’a occupé que pendant quatre mois.

En janvier, une autre perquisition a été effectuée dans le cadre d’une enquête sur Bruno Pacheco pour « enrichissement illicite ». Ses comptes bancaires ont reçu de manière suspecte beaucoup d’argent alors qu’il n’a dépensé que 3 600 soles (950 dollars) en quatre mois. Il a reçu 95 000 soles (25 000 $) de revenu pendant son mandat de quatre mois comme secrétaire général alors que son salaire public total n’était que de 75 000 soles. De plus, le bureau du procureur national a remarqué un dépôt en espèces de 20 000 soles en août de la part d’un assistant chauffeur engagé une semaine plus tôt.

López aurait également volé à Pacheco une clé USB contenant des informations sur les politiciens et les entreprises corrompus.

Des contrats publics du ministère des Transports truqués ?

Le système de corruption consisterait principalement à accorder des contrats publics émis par le ministère des Transports.

Rudbel et Fany Oblitas Paredes, fils et fille de la belle-sœur du président auraient multiplié les visites au Palais du gouvernement et au ministère des Transports et de la Communication sans avoir de mandats publics. Karelim López les accuse de coordonner l’attribution des contrats du fonds des Projets spéciaux d’infrastructures nationales de transport.

Entre août et décembre, sept contrats d’une valeur de 800 millions de soles (215 millions de dollars) auraient été accordés à des entreprises comme China Civil Engineering Construction Corporation et China Railway Tunnel Group, qui sont des partenaires de Ingeniería Integración de Proyectos (INIP), une entreprise liée à certains de Los Niños.

Depuis le début de l’administration de Castillo, 6 entreprises chinoises ont remporté des contrats publics pour une valeur totale de 1,8 milliard de soles (483 millions de dollars).

De son côté, Karelim López chercherait en fait à nuire aux entreprises et à protéger ses clients. Elle travaillerait pour le groupe Gezhouba, une autre entreprise de construction chinoise participant et remportant des appels d’offres publics, qui a une concurrence conflictuelle avec les entreprises mentionnées par López.

Le 2 mars, le ministre des Transports et des Communications, Juan Silva, a démissionné de son poste tout en rejetant tout acte répréhensible. Très critiqué depuis sa nomination, la démission de Silva est intervenue alors que le Congrès préparait une motion de censure à son encontre.

« « Un nombre de spéculations circulent dans la presse monopolistique avec l’objectif d’attaquer la démocratie », a déclaré le président sur son compte Twitter le 26 février. « Mme Karelim López a fourni au procureur général des déclarations sans fondement juridique ni cohérence avec la vérité, menaçant l’éthique et la transparence de toutes les procédures d’enquête », a poursuivi M. Castillo. « J’appelle la communauté internationale et le peuple péruvien à rester vigilant face à toute tentative de déstabilisation et de coup d’État dans le pays, perpétrées par ceux qui n’acceptent toujours pas leur défaite. »

Les élections de Pedro Castillo en juin dernier ont été remportées de justesse et contestées par les opposants.

Rencontres clandestines avec Pedro Castillo hors de son bureau

La Commission d’audit et de contrôle du Congrès, dirigée par un opposant politique de Castillo, lui a demandé de venir le 7 mars pour répondre à plusieurs dizaines de questions, de ses relations avec Karelim López aux réunions clandestinesen dehors de son bureau.

Son neveu et sa nièce auraient organisé le planning des réunions secrètes dans une maison de Pasaje Sarratea, une petite rue de Breña, un quartier dans la zone urbaine de Lima.

Le président y aurait rencontré Karelim López, Bruno Pacheco et Fray Vásquez, le neveu de Castillo, ainsi que de nombreuses autres personnes. C’est à cet endroit que les accords se conclueraient. Des enquêtes sont menées à l’encontre de López, Pacheco et Vásquez concernant ces réunions secrètes.

Le président n’est pas obligé d’accéder à la demande de la commission.

Les membres de l’opposition au Congrès tentent de mettre en place une motion de vacance contre le président Castillo afin de le démettre de ses fonctions pour « incapacité morale permanente ». En décembre, une motion similaire avait été rejetée par le Congrès. Il s’agissait de la quatrième motion de vacance initiée au cours des cinq dernières années.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.