En Corée du Sud, l’évaluation des professeurs par les élèves et les parents mise en pause

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11 septembre 2023

En Corée du Sud, les parents, et parfois les élèves, peuvent évaluer les enseignants de manière anonyme. Mais après le suicide d’une enseignante en juillet, le ministère de l’éducation cherche à restaurer leur autorité.

Rassemblement enseignants Corée du Sud
Rassemblement organisé pour commémorer la mort d’une enseignante d’école primaire en juillet. Les pancartes demandent de « Trouver la vérité maintenant ! Agissez ! » | © Syndicat national des enseignants et de l’éducation, 24 juillet, Séoul, Corée du Sud

Le ministère sud-coréen de l’éducation a annoncé que les évaluations des enseignants étaient suspendues et reportées d’un an.

« Cela fait environ dix ans que le système d’évaluation des enseignants a été lancé, et je pense qu’il est temps de le revoir parce que les conditions pour les étudiants et les enseignants ont beaucoup changé », a déclaré le vice-premier ministre et ministre de l’éducation, Lee Joo-ho, lors d’une conférence de presse le 11 septembre.

En Corée du Sud, les parents, mais aussi les élèves dans certains cas, peuvent participer activement à l’évaluation des professeurs et influencer leur carrière. Le système d’évaluation du développement des compétences des enseignants a été introduit dans toutes les écoles du pays en 2010, après quelques années de tests afin d’améliorer leurs compétences en recevant plus de retours sur leur travail dans un souci de coopération.

Chaque année, de septembre à novembre, ils peuvent ainsi évaluer leur satisfaction à l’égard de l’enseignement, des compétences des professeurs, et s’exprimer ouvertement par le biais de commentaires que les professeurs auront accès, mais sans en connaître les auteurs puisqu’ils sont fait anonymement.

Mais ce système est dénoncé par les syndicats d’enseignants, qui cherchent à l’abolir.

Une enseignante d’école primaire s’est suicidée dans une salle de classe.

L’annonce de M. Lee fait partie d’une série de mesures et de projets de loi visant à « restaurer l’autorité des enseignants » et de protéger la liberté d’enseignement dans une atmosphère pesante entourant le système éducatif coréen.

Elles font suite à l’émotion suscitée par le décès par suicide d’une enseignante d’école primaire de 23 ans en juillet. Elle fut été retrouvée morte dans une salle de classe par ses collègues. Il a été révélé par la suite qu’elle souffrait de la pression engendrée par son travail et qu’elle devait également faire face à des plaintes de la part des parents d’élèves.

Peu de temps avant son décès, un élève avait ouvert le front d’un camarade avec un stylo pendant sa classe, ce qui avait engendré plusieurs appels et messages de la part de parents jusqu’à tard dans la nuit.

Cet événement tragique a entraîné des semaines de manifestations pour des dizaines de milliers d’enseignants. Il a également eu pour effet d’ouvrir une boîte de Pandore, les enseignants commençant à partager leurs histoires et leurs expériences de parents autoritaires et surprotecteurs qui élèvent leurs enfants dans une société très compétitive, finissant par harceler les enseignants.

Les nouvelles lignes directrices publiées début septembre indiquent que les enseignants peuvent désormais faire sortir les élèves de la classe lorsqu’ils la perturbent et qu’ils peuvent les punir si nécessaire.

Le ministère de l’éducation prévoit de s’associer au ministère de la santé pour mettre en place un programme de santé mentale à l’intention des enseignants, alors que les syndicats alertent sur le taux de suicides dans la profession.

Les autorités prévoient également d’améliorer le processus d’application de la loi « afin de protéger les enseignants contre les signalements inconsidérés de maltraitance d’enfants ».

En effet, les enseignants peuvent parfois être dénoncés pour maltraitance lorsqu’ils maîtrisent des élèves violents ou les réprimandent, ce qui peut engendrer leur perte d’emploi. Les professeurs affirment que certains parents abusent d’une loi sur la protection de l’enfance adoptée en 2014 qui suspend automatiquement un enseignant accusé de maltraitance.

Une refonte du système d’évaluation des enseignants

En décembre dernier, un sondage mené par le Syndicat coréen des enseignants et des travailleurs de l’éducation, une organisation opposée au système d’évaluation depuis ses débuts, auprès de 6 507 enseignants a montré que 31 % d’entre eux avaient déjà subi un préjudice direct en recevant dénigrement, propos injurieux, insulte ou commentaire à caractère sexuel dans leurs évaluations.

La Fédération des enseignants elle dénonce un système qui, au-delà du sujet des commentaires anonymes, a été « réduit à une évaluation d’impression et de popularité ».

D’autre part, les enseignants peuvent parfois se voir reprocher de faire pression sur les élèves pendant la période d’évaluation pour qu’ils soient bien notés.

Pour l’Association de protection des droits de l’homme des étudiants, des parents et des enseignants, la plupart des parents se comportent correctement et craint que, en tant que parents, les canaux de communication pour exprimer leurs préoccupations soient supprimé, a déclaré Shin Min-hyang, une responsable de l’association, à la BBC.

En juin, le ministère de l’éducation a averti que les commentaires inappropriés sans rapport avec les activités éducatives pouvaient être sanctionnés conformément aux lois en vigueur.

Cette semaine, le ministère « discutera ouvertement des politiques souhaitées par les enseignants », à commencer par le processus d’évaluation. Mais il n’a parlé que d’une refonte et non d’une abolition de ce dernier.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.