En Norvège, un emoji sur les réseaux sociaux peut être interdit pour promotion de la consommation d’alcool

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23 janvier 2023

En Norvège, une interdiction stricte de la publicité pour l’alcool s’applique également sur les réseaux sociaux. Un emoji peut être considéré comme étant promotion de la consommation d’alcool. Il faut tenir compte de son objectif, rappelle la ministre de la Santé.

Cocktail tropical
Illustration | © Lisa Fotios

Un bar norvégien a posté une invitation pour une fête de Noël. Elle est arrivée jusqu’à la ministre de la Santé. On lui a demandé si l’emoji du cocktail tropical 🍹 était effectivement de la publicité pour l’alcool.

Bar-On est un bar-restaurant situé à Rosendal, un village de 800 habitants dans l’ouest de la Norvège, au bord du Hardangerfjord, le deuxième plus long fjord du pays.

Le 12 décembre, le bar a publié sur sa page Facebook un message rappelant sa prochaine fête de Noël. Feu de joie, saucisses grillées, vin chaud, pain torsadé (pinnebrød), musique de Noël, et même le Père Noël étaient de la partie.

Le post inclut quelques émoticônes, dont, juste après avoir mentionné que le Père Noël pourrait passer avec quelques surprises, l’emoji du cocktail tropical : « Le Père Noël passera peut-être avec quelques cadeaux…🍹 ». Quelques jours plus tôt, le bar avait également communiqué sur l’événement avec une photo d’un cocktail et sensiblement le même message avec cette fois l’émoticône des chopes de bière 🍻. Le gérant du restaurant a supprimé l’emoji cocktail du post la semaine dernière, pas la photo.

Mais selon la loi norvégienne sur l’alcool, toute forme de publicité pour l’alcool auprès des consommateurs est interdite. La loi entend par publicité une « communication de masse » à des « fins commerciales ».

Et un inspecteur de la municipalité a vérifié la page Facebook avant de contrôler le restaurant. Considérant que les posts constituaient une violation de l’interdiction de publicité, le gérant s’est vu retiré un point sur sa licence.

La Norvège a mis en place un système à points pour les licences de vente d’alcool, similaire à celui du permis de conduite en France. Si le titulaire d’une licence se voit attribuer un total de 12 points de pénalité sur une période de deux ans, le conseil municipal lui retire sa licence pour une période d’une semaine. Vendre de l’alcool à une personne âgée de moins de 18 ans est une infraction qui entraîne huit points de pénalité. Vendre de l’alcool en dehors des heures de service autorisées est une infraction qui entraîne une pénalité de quatre points.

Au début, le propriétaire du bar, M. Kristensen, a pensé qu’il s’agissait d’une absurdité, et a ainsi été rélayée par les médias norvégiens. Et le député Helge André Njåstad du Fremskrittspartiet, le Parti du progrès, a même soulevé la question jusqu’à la ministre de la santé. Le Parti du progrès est le troisième plus grand parti politique du Storting, le parlement norvégien, et est considéré comme plus à droite que le Parti conservateur.

Helge André Njåstad a posé une question écrite à la ministre de la Santé, Ingvild Kjerkol, membre du Parti travailliste de gauche, pour savoir si un emoji de cocktail était réellement une publicité pour la consommation d’alcool. M. Njåstad estime qu’il est « stupide » d’interdire la publicité pour des produits légaux et se positionne comme un soutien des personnes qui travaillent dur et créent des emplois dans le pays.

Ce n’est pas la première fois que l’interdiction de la publicité pour les boissons alcoolisées est critiquée.

En octobre de l’année dernière, le steakhouse Big Horn à Tønsberg a partagé un post avec l’emoji bouteille de champagne 🍾. Le restaurant a engagé un avocat pour contester la pénalité de l’inspecteur, et le directeur de la municipalité aurait finalement considéré que l’emoji symbolisait une fête et ne représentait pas nécessairement la commercialisation de boissons alcoolisées, selon le Tønsbergs Blad.

En début d’année, la brasserie indépendante Salikatt à Stavanger, la quatrième plus grande ville de Norvège, dans le sud-ouest du pays, a demandé à ses clients de ne pas les taguer sur les réseaux sociaux pour ne pas être considérés comme faisant la promotion de l’alcool. La brasserie a estimé que l’interprétation de la loi était « choquante et déraisonnablement stricte », après avoir reçu une lettre de la Direction de la santé lui demandant de supprimer les mentions sur les réseaux sociaux ces dernières années. La brasserie, qui emploie cinq personnes, a eu la possibilité de retirer les mentions sur les photos et les messages avant de se voir infligé une pénalité

La Direction norvégienne de la santé, l’organisme chargé de faire appliquer la loi sur l’alcool, a réagi face aux nombreuses critiques que cela a provoqué et a publié une note le 10 janvier affirmant que l’interdiction de la publicité pour l’alcool s’applique également sur les réseaux sociaux.

Elle a rappelé qu’elle ne tient pas les acteurs de l’industrie responsables des messages publiés par des particuliers. Toutefois, le directeur du département, Øyvind Giæver, précise que « ce que la Direction norvégienne de la santé considère comme une violation de l’interdiction de publicité, c’est la diffusion par les acteurs de l’alcool de posts contenant des critiques positives sur les produits ou sur l’alcool en général. » M. Giæver souligne en outre que seuls quelques professionnels qui choisissent d’être présents sur les réseaux sociaux respectent pleinement l’interdiction de la publicité pour les boissons alcoolisées.

Les particuliers peuvent librement mentionner et tagger les professionnels sur les médias sociaux, mais les professionnels doivent s’assurer que cela n’apparaît pas sur leurs canaux de diffusion.

Les entreprises du secteur de l’alcool ne peuvent uniquement promouvoir leurs produits auprès d’autres professionnels, aux gérants de bar et restaurant par exemple, sauf depuis 2016, pour des informations factuelles sur l’alcool publiées sur leurs propres sites internet. Cette exception ne s’applique en revanche pas aux réseaux sociaux, car les messages peuvent être vus par des personnes, y compris des enfants, qui n’ont pas cherché spécifiquement de telles informations.

De plus, l’industrie ne peut pas contourner l’interdiction de publicité en utilisant ses profils sur les réseaux pour montrer des commentaires positifs sur ses produits, tels que des critiques de journaux et des posts de particuliers taguant la marque, selon la direction de santé.

Les mots et expressions qui ne mentionnent pas directement l’alcool, mais que beaucoup de personnes associent quand même à l’alcool, sont également interdits.

La ministre Kjerkol a répondu à la question de M. Njåstad concernant l’emoji cocktail tropical .

Bien qu’elle n’ait pas voulu s’étendre spécifiquement sur le cas de l’emoji cocktail car cela « doit être évalué concrètement au cas par cas », elle semble soutenir la décision car « le gouvernement veut poursuivre une politique restrictive en matière d’alcool. […] Lors de l’évaluation, il faut tenir compte de l’objectif qui sous-tend l’utilisation des emojis dans la communication concernée. L’interdiction de la publicité pour l’alcool ne peut être contournée par l’utilisation d’illustrations ou d’éléments similaires », a‑t-elle ajouté.

M. Njåstad s’est dit déçu par la réponse de la ministre, qu’il a considérée comme celle d’une « bureaucrate » et qui était « totalement contraire au bon sens ».

Le gérant du Bar-On aurait décidé de ne pas faire appel de la décision pour rester en bons termes avec les autorités locales.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.