Le Parlement européen a adopté un plan de 4 milliards d’euros pour lutter contre le cancer. Il recommande d’ajouter des informations sur une consommation modérée d’alcool au lieu de mentionner les dangers de l’alcool.
La commission spéciale du Parlement européen sur la lutte contre le cancer (BECA) a produit un rapport visant à renforcer l’Europe dans la lutte contre le cancer. Le Parlement de Strasbourg a voté le 15 février les amendements du rapport de la BECA.
Le Parlement a ensuite adopté mercredi la résolution sur la lutte contre le cancer avec 694 voix pour, 15 contre et 27 abstentions.
La résolution constitue un cadre pour la législation future mais n’est pas juridiquement contraignante. L’objectif de ce cadre est d’améliorer les connaissances en matière de santé, de parvenir à une Europe sans tabac, de réduire la consommation nocive d’alcool et d’améliorer la promotion de la santé.
Il s’agit du premier plan de lutte contre le cancer au niveau de l’Union européenne. Quatre milliards d’euros lui sont alloués.
Un plan d’action pour combattre et prévenir les risques de cancer
Lors de son discours à la session plénière européenne de mardi, Stella Kyriakides, commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire, a estimé que « la prévention est le moyen le plus efficace de lutter contre le cancer. Nous devons donner aux citoyens les outils et les informations dont ils ont besoin pour mener une vie plus saine – et c’est pourquoi nous allons actualiser le Code européen contre le cancer. Celui-ci donnera aux citoyens des recommandations actualisées et compréhensibles sur la manière dont ils peuvent réduire le risque de cancer. »
Mais le plan envisage la situation « dans son ensemble ». Ainsi, en plus de recommander des lois pour les essais cliniques et davantage de médicaments pour les cancers rares, il s’attaque aux étiquettes nutritionnelles des aliments et aux conditions de travail. Il touche également à la consommation d’alcool, et à toute l’industrie derrière.
Le rapport recommandait initialement d’ajouter des « avertissements sanitaires » sur l’étiquetage des boissons alcoolisées.
Mais un amendement demandant de supprimer cette recommandation a été approuvé par le Parlement européen. Au lieu des avertissements sanitaires, le rapport recommande désormais des étiquettes contenant des « informations sur une consommation modérée et responsable ».
Les défenseurs de l’industrie vinicole craignaient que des avertissements sanitaires similaires aux messages affichés pour les cigarettes soient appliqués sur les bouteilles d’alcool.
Pour Alessandra Moretti, membre italienne du comité spécial sur la lutte contre le cancer, les « avertissements sanitaires » n’étaient pas destinés à mettre en garde contre les risques, mais plutôt à anticiper la nécessité d’un QR code où les consommateurs pourraient lire des informations sur le produit.
Choix scientifique contre vision culturelle du régime méditerranéen
Le rapport de la BECA préconise également une augmentation de la taxe sur les boissons alcoolisées. Un amendement visant à la remplacer par un « système de taxation équitable qui tienne compte du rôle important et primordial joué par la production de vin dans le maintien des activités et de l’emploi dans les zones rurales » a été rejeté.
L’industrie du vin était sensible, notamment dans les plus grands producteurs mondiaux comme l’Italie, la France et l’Espagne, à la formulation autour des dangers de l’alcool.
Deux députés européens italiens, Paolo De Castro et Herbert Dorfmannm, ont été les premiers des 150 députés européens à plaider pour une vision basée sur une consommation modérée et responsable de l’alcool.
Ils étaient pour la plupart issus des partis European People, Social & Democrats et Renew Europe, qui sont les trois plus grandes représentations au Parlement qui rassemblent 60% des voix.
Pour les défenseurs du vin, la consommation modérée de vin fait totalement partie du régime méditerranéen.
Herbert Dorfmann a tweeté : « Le vin, la bière et les spiritueux font partie de notre mode de vie. Nous avons besoin de modération, pas de prohibition ».
Pour Dolors Montserrat, porte-parole espagnole du Parti populaire européen, « nous rejetons la consommation abusive d’alcool, qui est nocive pour la santé, et nous défendons la consommation modérée de vin et notre régime méditerranéen reconnu ».
Réduire la consommation nocive d’alcool d’au moins 10 % d’ici 2025
Pour la femme politique française Irène Tolleret Vaccinee de Renouveau Europe, le texte est désormais plus équilibré avec la distinction entre consommation modérée et excessive.
Coldiretti, une organisation professionnelle italienne représentant 1,5 million d’agriculteurs en Europe, va jusqu’à considérer dans un communiqué que « le Parlement européen sauve près de dix mille ans d’histoire du vin. […] L’engagement légitime de l’Union européenne à protéger la santé des citoyens ne peut se traduire par des décisions simplistes qui risquent de criminaliser injustement des produits indépendamment de la quantité consommée ».
Mais pour Stella Kyriakides, « il n’y a aucune intention de cibler la culture gastronomique. Notre travail vise à garantir des systèmes de prévention et de traitement efficaces pour tous les Européens et se fonde sur des données scientifiques », selon le journal italien Il Giornale.
Alessandra Moretti a souligné que le rapport n’est pas une attaque contre le vin. Le mot lui-même n’apparaît même pas dans le texte. Il mentionne la molécule d’alcool, une substance cancérigène puissante. Elle justifie que le texte inclut désormais la notion de risque proportionnel : à consommation minimale, risque minimal.
Toutefois, le rapport comprendra toujours l’affirmation selon laquelle « il n’existe pas de niveau de consommation d’alcool sans danger quand il s’agit de prévention du cancer ». L’amendement visant à supprimer cette partie a été rejeté, afin de satisfaire toutes les parties.
La Commission européenne vise à réduire la « consommation nocive d’alcool » d’au moins 10 % d’ici 2025.