La Belgique propose d’interdire la publicité pour les jeux d’argent et de hasard car « les profits du secteur sont réalisés sur le dos des personnes souffrant de dépendances », selon le ministre de la Justice.
Le vice-premier ministre et ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne « s’attaque à la dépendance aux jeux d’argent » comme prévu dans l’accord qui a formé la coalition gouvernementale.
Le ministre a rédigé une proposition visant à « limiter fortement la publicité pour les jeux de hasard et à en interdire la plupart des formes ». M. Van Quickenborne souhaite restreindre la promotion de ces jeux afin que « seules les personnes qui veulent jouer et recherchent activement des informations sur les jeux d’argent seront confrontées à la publicité pour ces jeux à l’avenir » à ces services.
Pour le ministre, les publicités récurrentes sont un des principaux moteurs de la popularité croissante et de la plus grande acceptation sociale des jeux d’argent en ligne. Les paris en ligne sont particulièrement populaires auprès des jeunes.
En 2019, les jeux d’argent représentaient une industrie de 2 milliards d’euros en Belgique, où 64 % des personnes de plus de 18 ans jouent pour de l’argent au moins une fois par an. Les personnes qui ont volontairement demandé à être inscrites sur la liste d’exclusion de la Commission des jeux de hasard, afin d’éviter de rejouer, ont augmenté de 70% par rapport à 2014.
Selon le Centre d’expertise sur l’alcool et les autres drogues, 100 000 joueurs actifs sont sujets à un trouble du jeu dans ce pays de 11,5 millions d’habitants. Un tiers d’entre eux auraient une dépendance sévère aux jeux de hasard, et 40 % du chiffres d’affaires proviendrait de « joueurs problématiques ». De plus, les joueurs dépendants dépensent en moyenne 42% de leurs gains dans les jeux de hasard.
« Les profits du secteur sont donc réalisés sur le dos des personnes souffrant de dépendances, » en conclut le ministre.
S’il est adopté, le décret royal interdira la publicité à la télévision, à la radio, dans les journaux, sur les sites Internet, sur les réseaux sociaux et dans les salles de cinéma. Les affiches publicitaires seraient également interdites. Il interdirait en outre d’autres stratégies de marketing « push » telles que les courriers, l’envoi d’e-mails, les SMS et les démonstrations gratuites de jeux.
Si les marques pourront toujours communiquer sur leurs propres pages sur les réseaux sociaux, avec des formats non interactifs de moins de 5 secondes, les personnages, les célébrités et les influenceurs ne pourront pas participer à la promotion des jeux d’argent.
L’arrêté royal a été envoyé à la Commission européenne pour examen. Après avoir reçu les commentaires du Conseil d’État, le texte sera adapté avec l’objectif d’entrer en vigueur avant la fin de l’année.
Par ailleurs, le marketing sportif sous forme de sponsoring sera interdit à partir de janvier 2025. La loterie nationale belge est le principal sponsor d’une équipe cycliste professionnelle : la Lotto Soudal.
L’annonce a été accueillie favorablement par les autres partis politiques de la coalition gouvernementale, à l’exception de Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement réformiste, qui se dit « absolument opposé » à la proposition et qui a tweeté : « Cette mesure est excessive et va entraîner de grandes difficultés financières pour le secteur sportif entre autres. Voulons-nous réellement la mort du foot dans ce pays ? »
M. Bouchez est également président d’un club de football amateur. « Cette vision puritaine n’a aucun sens », a‑t-il ajouté à propos d’une « très mauvaise réponse à un véritable enjeu ».
Lorin Parys, le PDG de la Pro League, la ligue professionnelle de football de Belgique, craint qu’une telle interdiction ne réduise de 12% les revenus de sponsoring des clubs de football, « à un moment où nos clubs perdent plus de 100 millions d’euros ».
L’association belge des opérateurs de jeux de hasard est « scandalisée par l’interdiction drastique de la publicité pour les jeux d’argent légaux ». Elle affirme également que les consommateurs ne seront pas en mesure de différencier les offres légales et illégales, « comme en Italie où l’on a observé une croissance du secteur illégal pouvant aller jusqu’à 50% de 2019 à 2021 ». La BAGO , qui représente 70% des jeux d’argent physiques et en ligne dans le pays, souhaite plutôt se concentrer sur l’identification des comportements des joueurs à risque et leur apporter des solutions.