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La Corée du Sud restreint la loi sur les manifestations, notamment la tolérance du niveau sonore

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17 octobre 2023

Le gouvernement coréen a limité les rassemblements publics en réduisant leur durée et leur niveau sonore et en donnant la possibilité d’interdire les rassemblements à proximité du nouveau bureau du président. Cette décision a suscité des critiques relatives au respect de la Constitution.

Yongsan, bureau et résidence du président sud-coréen
Yongsan, le bâtiment du ministère sud-coréen de la défense, fait désormais aussi office de bureau et résidence du président. | © Bureau du président

Le 17 octobre, une révision du décret d’application de la Loi sur les rassemblements et les manifestations est entrée en vigueur, permettant à la police de Corée du Sud d’interdire les rassemblements près du bureau du président coréen et d’autres lieux importants si elle « le juge nécessaire pour la fluidité du trafic ». La révision a également entraîné un durcissement des contraintes concernant la durée des manifestations et le niveau sonore toléré.

La révision a modifié l’article 12 du décret existant, qui comprenait déjà un certain nombre de routes sur lesquelles il était interdit de manifester si la police l’estimait nécessaire pour des raisons de contrôle de la circulation. Onze nouvelles routes ont été ajoutées à la liste, notamment des routes qui incluent le bureau du président, la Cour suprême, le bureau du procureur et des zones situées dans le district de Gangnam-daero, le quartier le plus riche de la ville.

Toutefois, ce n’est pas la seule limitation ajoutée, car il est précisé que les manifestations à proximité des zones résidentielles, des bibliothèques, des écoles et des hôpitaux publics feront l’objet d’une application plus stricte.

Désormais, la police n’autorisera qu’une seule infraction au bruit par heure dans ces zones, au lieu de deux par heure auparavant, et cette norme s’appliquera aux bruits d’une durée d’au moins 5 minutes, et non plus de 10 minutes minimum.

Pendant les manifestations, le bruit ne doit pas dépasser 95 décibels et rester inférieur à 65 décibels à proximité des zones résidentielles, des bibliothèques, des écoles et des hôpitaux. Quatre-vingt-dix décibels correspondent approximativement au bruit d’une tondeuse à gazon à essence, dont une exposition pendant deux heures continues peut endommager l’audition, tandis que 60 décibels correspondent au bruit d’une conversation normale entre deux personnes.

L’organisateur d’une manifestation bruyante peut se voir infliger une amende de 300 000 wons (210 euros) pour une première infraction.

Cette décision intervient après que Yoon Suk-yeol, le président de la Corée du Sud élu en 2022, a officiellement transféré ses bureaux de Cheong Wa Dae, dite la Maison bleue, à un bâtiment du ministère de la défense, le Yongsan.

Une « annonce flagrante de leur intention de supprimer la liberté des manifestants »

Alors que la Maison bleue, située dans le district de Jongno où se trouvent les anciens palais royaux, était considérée comme trop grande, le gouvernement, avec le Yongsan, « peut réaliser un bureau qui est vraiment ouvert au peuple », selon le site internet de la présidence.

Le site de la Maison bleue est également beaucoup plus proche de la place Gwanghwamun, où les Coréens se rassemblent pour des manifestations de masse, notamment contre le gouvernement de Park Geun-hye en 2016. La présidente de la Corée de 2013 à 2017 fut destituée et condamnée à une peine de 20 ans de prison pour corruption, jusqu’à ce qu’elle bénéficie d’une grâce présidentielle en 2021.

Des députés coréens de l’opposition ont relevé des contradictions entre cette décision et les messages précédents du gouvernement et de la Cour constitutionnelle. Le député du Parti social-démocrate Moon Jin-seok a déclaré qu’il s’agissait d’une tentative de contourner les tribunaux par le biais de l’application de la loi. Sa collègue Kwon In-sook a également déclaré « qu’il s’agit d’une réforme de l’ordonnance d’application qui va au-delà de l’arrêt de la Cour constitutionnelle selon lequel l’interdiction de tous les rassemblements est excessive ».

L’organisation People’s Solidarity for Participatory Democracy and Lawyers for a Democratic Society (PSPD), une association coréenne de défense des droits sociaux et de la transparence fondée en 1994, a condamné la révision de la loi par le gouvernement. Dans un communiqué elle estime que la police pourrait désormais empêcher les manifestations à proximité des grands bureaux de Samsung et de Hyundai-KIA Motors par exemple.

L’association affirme que la révision est en contradiction avec la Constitution coréenne, ainsi qu’avec les précédents établis par la Cour constitutionnelle coréenne.

L’article 21 de la Constitution coréenne garantit en effet que « tous les citoyens coréens jouissent de la liberté de réunion ». Et selon la décision de la Cour constitutionnelle 2000Hun-Ba67 de 2003, elle avait déclaré que « la liberté de réunion ne peut être effectivement garantie que lorsque toute personne peut librement décider du “lieu” de la réunion prévue en principe ».

Pour le PSPD, cette révision « met une sourdine à la critique publique » et constitue une « annonce flagrante de leur intention de supprimer la liberté des manifestants de décider du lieu de leur réunion ».

Une décision de la Cour constitutionnelle datant de 2019 précise également que manifester à proximité du bureau du président était constitutionnellement autorisé, tant qu’il ne s’agit pas de sa résidence. Mais le président vit désormais également dans les bâtiments du bureau présidentiel.

« La structure de la ville et les conditions de circulation évoluent rapidement, c’est pourquoi nous avons révisé l’ordonnance d’application en conséquence », a déclaré la police coréenne, selon l’agence de presse Yonhap. « Nous prévoyons de garantir autant que possible les rassemblements et les manifestations conformément aux normes de jugement présentées par la cour. »

Alexander Saraff Marcos

Alexander est rédacteur pour Newsendip.

Il possède la double nationalité américaine et espagnole et vit entre l'Espagne et la France. Il est diplômé de l'université de Pittsburgh avec une spécialisation en philosophie et en langue française. Il aime regarder et écrire sur l'e-sport sur son temps libre.