La quête de l’Éthiopie d’un meilleur accès à la mer Rouge pour favoriser les opportunités économiques suscite quelques tensions avec Djibouti, l’Érythrée et la Somalie qui revendiquent la préservation de leur souveraineté territoriale.
L’Éthiopie aspire à restaurer un accès à la mer pour favoriser son développement, mais cela engendre des tensions avec Djibouti, l’Érythrée et la Somalie qui défendent leur souveraineté territoriale.
Le 19 octobre, Djibouti s‘est joint à l’Érythrée et à la Somalie pour refuser la demande du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed qui souhaitait obtenir un accès direct à un port de la mer Rouge, l’une des voies maritimes les plus fréquentées pour le commerce mondial.
Rappelant que les deux pays « ont toujours maintenu des relations amicales fortes », Alexis Mohamed, conseiller du président de Djibouti, a explicitement déclaré lors d’une interview à Bloomberg que « Djibouti est un pays souverain, et donc, notre intégrité territoriale n’est point discutable, ni aujourd’hui, ni demain. »
La Somalie et l’Érythrée ont adopté une rhétorique similaire. Ali Omar, le ministre des affaires étrangères de la Somalie, a affirmé que la souveraineté de son pays était « sacro-sainte et ne pouvait être discutée ». Les trois pays ont souligné qu’ils ne pouvaient pas envisager de négocier quoi que ce soit mettant en cause leur souveraineté territoriale.
En 1993, l’Érythrée a acquis son indépendance de l’Éthiopie, mais cela a entraîné la perte de sa façade maritime. Dès lors, l’Éthiopie est devenue un pays enclavé, dépourvu de tout accès à la mer. Elle partage désormais des frontières avec l’Érythrée, la Somalie et Djibouti, qui ont tous un accès à la mer Rouge.
La mer Rouge joue un rôle cruciale dans l’économie mondiale, étant l’une des trois principales voies maritimes mondiales. C’est un passage stratégique entre l’Europe et l’Asie, avec 40 % du trafic maritime mondial. Un accès à la mer Rouge pour l’Éthiopie aurait un impact significatif sur son développement économique, surtout que ses besoins augmentent drastiquement de même que sa démographie.
Depuis l’indépendance de l’Érythrée, L’Éthiopie dépend du port de Djibouti pour ses activités commerciales et verse une redevance pour son utilisation. Cependant, le simple fait d’utiliser le port de Djibouti leur coûte 2 milliards de dollars par an, ce que l’Éthiopie ne considère plus comme une alternative viable.
Aujourd’hui, l’Éthiopie souhaite, en essayant de négocier avec ces trois pays, retrouver une certaine autonomie et développer son économie par ses propres moyens. Selon Abiy Ahmed, l’accès à la mer Rouge déterminera le destin de l’Éthiopie entre le développement ou le déclin.
Un accès à la mer qui profite à tous ?
Le droit international – la Convention des Nations unies sur le droit de la mer – stipule clairement que les États enclavés ont le droit d’utiliser les ports des pays côtiers voisins et leur accorde ainsi le droit « à l’exploitation d’une part appropriée du reliquat des ressources biologiques des zones économiques exclusives des Etats côtiers de la même région ». Selon ces normes internationales, un traité doit être conclu entre les États impliqués.
Lors d’une émission télévisée, Abiy Ahmed a exprimé l’idée que l’accès à la mer Rouge devrait résulter d’une collaboration basée sur une compréhension mutuelle et des intérêts partagés, plutôt que d’une décision unilatérale. Il a mis en avant l’importance de la négociation et de la réciprocité, suggérant qu’offrir l’accès à un port pourrait faciliter l’intégration régionale et entraîner des avantages mutuels. Cette approche créerait ainsi une situation plus favorable pour toutes les parties impliquées.
Le Premier ministre a souligné le rôle vital de l’Éthiopie en tant que principal fournisseur d’eau et d’énergie pour toute la région, grâce à son accès au Nil. Il a également évoqué la construction d’un gazoduc reliant l’Éthiopie à Djibouti, entièrement financé par l’Éthiopie.
« Déclarer “je prendrai les vôtres, mais je ne vous donnerai pas les miens” n’est pas approprié. L’Éthiopie, en effet, a tout à fait le droit de rechercher un accès à la mer Rouge », a affirmé Abiy Ahmed.
Il a également mentionné la possibilité de céder des parts de son Grand Barrage de la Renaissance, le plus grand barrage d’Afrique et une infrastructure stratégique pour l’Éthiopie et la région, en échange de parts dans leurs ports respectifs. Cependant, ces derniers ont refusé.
Maintenant que Djibouti, l’Érythrée et la Somalie ont décliné l’offre de l’Éthiopie, le recours au droit international et à la Cour internationale de justice demeurent les ultimes recours pour les Éthiopiens afin de résoudre ce différend de manière pacifique.
Abiy Ahmed a averti que si le différend actuel n’était pas résolu, des conflits pourraient survenir à l’avenir avec l’Érythrée, la Somalie et Djibouti. Le Premier ministre éthiopien, dont la gestion de la guerre civile dans le Tigré est fortement critiquée, fut pourtant distingué par le prix Nobel de la paix en 2019 pour ses efforts dans la restauration de la paix dans le conflit frontalier opposant l’Éthiopie et l’Érythrée.