La résolution du Parlement Européen que le Président Mexicain n’a pas aimé : “Plus la colonie de personne”

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12 mars 2022

Le Parlement de l’Union Européenne a pressé le Mexique de mieux protéger les journalistes et les défenseurs des droits de l’Homme. Le Président du Mexique a rétorqué à l’UE qu’elle ne devait pas oublier que le Mexique « n’est la colonie de personne ».

Andrés Manuel López Obrador, Président du Mexique
Le Président du Mexique Andrés Manuel López Obrador lors de sa conférence de presse journalière le 11 mars 2022 | © Presidencia de Mexico

Le Président du Mexique Andrés Manuel López Obrador a peu goûté une résolution du Parlement de l’Union Européenne qui concentrait du sujet sensible pour l’exécutif américain : la souveraineté du Mexique et sa relation ambiguë avec les médias.

Adoptée avec 607 voix pour, 2 contr et 73 abstentions, la résolution du Parlement européen condamne « le taux alarmant de menaces, de harcèlement et d’assassinats de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme au Mexique, y compris de défenseurs de l’environnement et des peuples autochtones ».

Deux autres résolutions urgentes ont été adoptées ce 10 mars et faisaient référence au coup d’État en Birmanie de l’an dernier et la politique de l’Azerbaïdjan consistant à « effacer et nier l’héritage culturel arménien ».

Ces résolutions montrent principalement un positionnement commun de l’Union Européene et n’a qu’une valeur politique, même si elle peut orienter les futures décisions et actions de l’UE.

Un tiers des journalistes tués dans le monde en 2022 le sont au Mexique

En plus des menaces des cartels de drogues, le parlement est inquiet des « critiques systématiques et dures« des autorités mexicaines envers les journalistes et leur travail, incluant celles du président Andrés Manuel López Obrador. AMLO souvent « dénigre et intimide les journalistes indépendants« au cours de ses conférences de presse quotidiennes.

Presque la moitié des attaques verbales sur les journalistes et défenseurs des droits de l’Homme viennent d’officiels selon Alejandro Encinas, le sous-secrétaire chargé des droits de l’Homme au Mexique. AMLO a déjà dit que les journalistes « mentent comme ils respirent ».

Encinas a aussi affirmé que le taux d’impunité dans le meurtre de journalistes et des militants des droits de l’Homme était supérieur à 90%.

Le Mexique est l’un des pays les plus dangereux en dehors d’une zone de guerre pour les journalistes. Il compte plus de 150 morts de journalistes en possible lien avec leur activité sur les 20 dernières années.

Au moins 33 journalistes ont été tués depuis 2018 et le début de la présidence d’AMLO selon Articulo19, une association défendant la liberté d’expression. C’est plus que pendant les six années du mandat de Vicente Fox entre 2000 et 2006, et pourrait rapidement devenir plus élevés que lors des mandats de ses prédécesseurs Felipe Calderón et Enrique Peña Nieto.

Un tiers des journalistes tués dans le monde durant le premier trimestre de 2022 l’ont été au Mexique .

Le Parlement Européen a de faire demandé aux autorités mexicaines de « garantir la protection des journalistes et militants des droits de l’Homme »

Mais López Obrador n’a pas apprécié cette position politique, Lors de la conférence de presse du 11 mars, il a fustigé la résolution provenant « de législateurs européens très conservateurs avec une mentalité colonialiste » la qualifiant de fausse et « calomnieuse ».

Le Mexique n’est « plus la colonie de personne »

Il s’est défendu que la violence actuelle est héritée de la « période néoliberale, des gouvernements alliés avec le crime organisé », mais que la violence était sur une pente descendante. « Les autorités ont cessé de s’associer avec le crime organisé, il n’y a plus d’impunité telle qu’elle existait auparavant », a‑t-il justifié.

« Malheureusement, près de 5 000 Mexicains ont perdu la vie durant ces deux mois et demi de 2022. Et parmi ces 5 000 personnes, cinq sont journalistes. De plus, [ces meurtres] n’ont rien à voir avec des actions de répression de l’État, because l’État ne viole plus les droits de l’Homme »,[these murders] le président répondant aux critiques sur le manque de protection envers les journalistes et défenseurs des droits de l’Homme.

Le président a même écrit un communiqué demandant aux députés européens de se rendre compte que « le Mexique n’est plus une terre à conquérir ».

« Le Mexique est un pays pacifque […], nous n’envoyons d’armes à aucun pays sous aucune circonstances tel que vous le faites maintenant », en faisant référence aux armes que certaines pays membres de l’Union Européenne envoie à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Il a aussi suggéré que la cause des maux européens actuels était les « mauvais politiciens, les législtateurs ».

« N’oubliez pas que nous ne sommes plus la colonie de personne. Le Mexique est un pays libre, indépendant et souverain ».

L’Espagne a reconu l’indépendance du Mexique en 1836. Très attaché aux droits des commmunautés indigènes et à la souveraineté Mexicaine, AMLO voit toujours l’Espagne comme l’ancien colon. Le mois dernier, il a ainsi mystérieusement suggéré que le Mexique devrait « faire une pause » des relations avec son second partenaire commercial pendant quelques temps.

« Abandonnez vos manies interventionnistes sous prétexte de bonnes intentions. Vous n’êtes pas le gouvernement du monde », le communiqué présidentiel relate. Il a aussi avancé qu’il ne serait pas aussi populaire s’il ne servait pas la population correctement.

Le président a ensuite défendu que 17 arrestations ont été effectuées en rapport aux assassinats de quatre journalistes récemment tués, et qu’un rapport serait publié la semaine suivant sur les actions du gouvernement contre la violence.

Mais alors qu’il explique que le gouvernement respecte la liberté d’expression des journalistes, il ne manque pas l’occasion de critique le système médiatique malgré tout. « Nous ne savont pas pourquoi des mafias contrôlent toujours, avec des exceptions honorables, les médias d’informations au Mexique ».

Il dénonce la « prépondérance du conservatisme » avec des « politiques, législateurs, médias au service de grandes entreprises et organisations financières, d’oligarchies nationales » qui « ne sont pas au service du peuple ».

« Nous ne pouvons les laisser [les Européens] nous manquer de respect », conclua le président sur le sujet. Il avait commencé avec une blague comparant les parlementaires britanniques à des moutons pour leur comportement durant les débats. « Ce n’est pas une insulte », a‑t-il précisé.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.