Le Canada examine sa loi sur le cannabis qui a légalisé la marijuana récréative il y a quatre ans

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30 septembre 2022

Le Canada va évaluer l’impact de sa légalisation du cannabis à des fins récréatives, alors que les acteurs de l’industrie voient déjà la croissance du secteur ralentir quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi.

Production de cannabis au Canada
Production de cannabis au Canada | © Richard T, 2020

Le ministre fédéral de la Santé du Canada, Jean-Yves Duclos, a annoncé le 22 septembre le lancement d’un examen législatif de la Loi sur le cannabis.

L’industrie du cannabis est impatiente que cette révision commence, car elle considère que les vendeurs agréés sont en difficulté et ont besoin d’une adaptation du cadre législatif.

Le premier objectif de l’examen sera « d’adapter et de répondre aux besoins actuels et émergents des Canadiens » en matière de cannabis tout en protégeant la santé et la sécurité des personnes. Il vise également à découvrir comment une industrie légale compétitive composée de petits et de grands acteurs peut remplacer le marché illicite.

La loi sur le cannabis est entrée en vigueur en octobre 2018, faisant du Canada le deuxième pays au monde à légaliser l’usage récréatif du cannabis pour les adultes de 18 ans et plus au niveau national. Une opportunité commerciale mais aussi un moyen pour les autorités de contrôler la vente, la possession, la production et la distribution du cannabis pour une meilleure santé publique et moins de criminalité.

Un panel de cinq experts s’entretiendra avec des personnes qui ont accès au cannabis à des fins médicales, ainsi qu’avec de larges parties prenantes du secteur, de la santé aux forces de l’ordre.

Les experts évalueront l’impact de la loi sur l’accès au cannabis à des fins médicales, sur les jeunes, les minorités et examineront les tendances de la culture du cannabis à domicile. Le panel évaluera également les progrès réalisés dans la diminution des activités criminelles et la réduction du marché illicite du cannabis.

« Nous renforcerons la Loi afin qu’elle réponde aux besoins de tous les Canadiens tout en continuant à écarter le marché illicite », a déclaré le M. Duclos.

La légalisation semble avoir eu un effet positif sur le système judiciaire alors qu’il n’y a encore que peu de données sur les effets sur la santé publique. La consommation de cannabis est en hausse mais le la croissance du commerce légal ralentit déjà.

« Une taxation excessive et un fardeau réglementaire » pour le Cannabis Council of Canada

Le Conseil canadien du cannabis, représentant national de détenteurs de licences de production et de transformation du cannabis, a salué l’annonce de la révision de la loi mais considère que les succès de la législation sur le cannabis sont « en péril » car les producteurs et transformateurs de cannabis autorisés « peinent à concurrencer l’industrie illicite du cannabis ».

L’industrie du cannabis considère qu’elle n’est pas en mesure de concurrencer la marijuana moins chère du marché illicite en raison de la lourdeur des taxes et de l’excès de bureaucratie et de réglementations. Les titulaires de licences aimeraient par exemple pouvoir communiquer avec les consommateurs et faire de la publicité.

Pour le Conseil, le gouvernement ne voit pas le « besoin urgent d’un allégement d’une taxation excessive et du fardeau réglementaire » qui pèse sur l’industrie du cannabis. « Nous devons souligner la nécessité d’une action urgente du gouvernement fédéral sur les changements réglementaires et commerciaux nécessaires pour concurrencer une industrie illicite du cannabis débridée, non taxée et non réglementée. Le secteur du cannabis légal ne peut pas attendre plus de deux ans pour que des changements soient apportés », a souligné George Smitherman, président et directeur général du Conseil canadien du cannabis et ancien vice-premier ministre de l’État de l’Ontario de 2006 à 2009.

Pourtant, les ventes en magasins montrent une forte croissance selon Statistique Canada. Les magasins de cannabis ont vendu pour 3,2 milliards de dollars canadiens (2,6 milliards d’euros) de produits en 2021, en hausse de 50% par rapport à 2020, qui avait déjà connu une croissance de 126% par rapport à 2019.

Mais la croissance ralentit rapidement puisque les ventes n’ont augmenté que de 22% de janvier à juillet de cette année.

Les acteurs du secteur pensent que le marché vaut 6 milliards de dollars canadiens (4,4 milliards d’euros); dont toujours la moitié environ qui serait dans le marché parallèle.

Une enquête de Statistique Canada a montré que le cannabis des vendeurs autorisés était vendu 73% plus cher que le marché illicite en 2019, 10,35 dollars (7,64 euros) le gramme contre 5,98 dollars (4,41 euros). Le prix était la raison de plus de la moitié des achats en dehors des vendeurs autorisés.

Mais alors que les prix chez les vendeurs autorisés ont récemment baissé, les coûts réglementaires structurels restent élevés. En septembre 2022, les ventes de cannabis étaient taxées à 4,97 dollars canadiens par gramme (3,67 euros).

Il existe également une forte concurrence entre les magasins. Le nombre de magasins a doublé en 18 mois pour atteindre 3 200 détaillants en juin 2022, les deux tiers des nouvelles ouvertures ayant lieu en Ontario, ce qui a entraîné une baisse des ventes moyennes par magasin, selon Cannabis benchmark.

La société de cannabis Canopy Growth a annoncé le 27 septembre qu’elle cédait ses 28 magasins de détail à travers le Canada à d’autres sociétés de cannabis. Canopy Growth était autrefois la plus grande capitalisation boursière au monde pour une entreprise de cannabis. Mais alors que les actions se négociaient à 67,5 dollars canadiens juste avant la légalisation, les actions de Canopy Growth ne valent plus que 3,9 dollars à la bourse de Toronto.

Aurora Cannabis, une autre grande entreprise canadienne du cannabis opérant aussi à l’international, a annoncé cette semaine une perte avant impôts, intérêts et amortissements de 51 millions de dollars canadiens (38 millions d’euros) pour l’année fiscale 2022.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.