Rishi Sunak, premier ministre du Royaume-Uni, souhaite améliorer les compétences en mathématiques de la population en corrigeant la « mentalité anti-maths » avec un plan pour enseigner les mathématiques aux élèves jusqu’à la fin des études secondaires.

Le premier ministre du Royaume-Uni, Rishi Sunak, souhaite changer la « mentalité anti-maths » qui règne dans le pays.
« Nous plaisantons sur le fait que nous ne sommes pas capables de faire des maths, c’est socialement acceptable. Mais nous ne plaisantons jamais sur le fait de ne pas savoir lire », a signalé M. Sunak le 17 avril lors d’un discours à la London Screen Academy pour souligner le « problème culturel » du pays en ce qui concerne les mathématiques.
Pour gommer les réticences à l’égard du calcul, le gouvernement a annoncé lundi la création d’un groupe consultatif – composé de mathématiciens, de responsables de l’éducation et de représentants du monde des affaires – chargé d’identifier le type de mathématiques que les lycéens doivent apprendre.
Cette annonce intervient trois mois après que le premier ministre a déjà mentionné début janvier un plan Maths to 18 (Maths jusqu’à 18 ans) visant à inciter les jeunes Anglais à étudier les mathématiques jusqu’à l’âge de 18 ans, sans y donner beaucoup de détails.
Les travailleurs avec un faible niveau de calcul sont payés 6,5 % de moins
Pour le moment, le plan prévoit également davantage de formations pour aider les professeurs des écoles primaires et un renforcement de centres qui aident à la collaboration entre les professeurs de mathématiques afin d’améliorer leur pédagogie.
Au Royaume-Uni, les compétences en calcul sont inférieures à d’autres pays développés. Actuellement, huit millions d’adultes au Royaume-Uni ont des compétences en mathématiques inférieures à celles attendues d’un enfant de neuf ans, selon le gouvernement. Cette situation a également des conséquences financières.
En 2021, les associations britanniques National Numeracy et Pro Bene Economics ont publié un rapport avec KPMG qui estimait que 16 millions de travailleurs ayant de faibles compétences en calcul gagnent 6,5 % de moins, soit 1 550 livres par an (1 750 euros), que s’ils avaient un niveau de base en calcul. Cela équivaut à une différence de revenus de 25 milliards de livres par an. En 2012, Pro Bene Economics avait estimé le manque à gagner à 17 milliards de livres à l’échelle nationale.
Dans des pays comme l’Australie, le Canada, l’Allemagne, la Finlande, le Japon, la Norvège et les États-Unis, les élèves étudient les mathématiques d’une manière ou d’une autre jusqu’à l’âge de 18 ans, argumente le gouvernement. Mais si les mathématiques sont déjà la matière la plus choisie au baccalauréat britannique, la réforme ne rendra pas les mathématiques obligatoires pour tous les élèves, tient-il à préciser.
« Les mathématiques sont aussi importantes pour le secteur créatif que pour la finance », a déclaré M. Sunak, qui a travaillé en finance avant d’entre en politique, estimant que « sans une base solide en mathématiques, nos enfants risquent d’être laissés pour compte, d’être écartés des carrières auxquelles ils aspirent et de la vie qu’ils veulent mener ».
Et le groupe consultatif représente ainsi une première étape pour comprendre comment les jeunes de 16 à 18 ans peuvent « acquérir les compétences dont ils ont besoin pour avancer dans la vie » avant de revenir « avec un plan détaillé pour mettre en œuvre » le changement. L’une des tâches sera de déterminer la manière dont les autres pays enseignent les mathématiques.
Difficultés de recrutement des professeurs de mathématiques
Pour le directeur général de National Numeracy, Sam Sims, une telle réforme ne changera pas radicalement les lacunes en mathématiques et plaide en faveur d’un changement plus radical à travers le parcours éducatif entier. « Pour remédier aux lacunes en calcul, il faut commencer bien avant l’âge de 16 ans. Nous avons besoin d’une vision “du berceau à la carrière” pour le calcul au Royaume-Uni, en se concentrant sur les mathématiques dans la vie réelle ».
Les critiques du plan affirment également qu’il ne résoudra pas la pénurie en professeurs de mathématiques.
Pour Geoff Barton, secrétaire général du syndicat Association of School and College Leaders, l’annonce du premier ministre ressemble à « une tentative de détourner l’attention de la question la plus urgente dans le domaine de l’éducation en Angleterre, à savoir le conflit social déclenché par l’érosion des salaires et des conditions de travail des enseignants et la crise qui en résulte pour recruter et conserver un personnel suffisant ».
Les enseignants ont massivement fait grève ces dernières semaines, les syndicats d’enseignants demandant des augmentations de salaire supérieures à l’inflation. Plusieurs manifestations sont encore prévues en avril et en mai, sauf au Pays de Galles et en Écosse. Dans le même temps, la première priorité déclarée du premier ministre est de réduire l’inflation de moitié, l’indice des prix à la consommation ayant augmenté de 10,4 % sur l’année en février 2023. L’inflation dans le pays a atteint les 10% presque tous les mois depuis juillet dernier.
Bridget Phillipson, députée du parti travailliste, a déclaré que le premier ministre du parti conservateur « ne peut pas tenir cette promesse vide et réchauffée s’il n’y a pas plus de professeurs de mathématiques ».
En 2021, les écoles ont signalé le plus grand nombre de postes vacants depuis 2010, selon la commission parlementaire de l’éducation, qui a lancé une enquête sur le recrutement, la formation et la rétention des enseignants dans les écoles anglaises financées par l’État en mars. De plus, le pays n’a atteint que 59 % de ses objectifs de recrutement pour les enseignants du secondaire en 2022–2023. Selon un rapport de 2022 de la National Foundation for Educational Research, le manque d’enseignants est particulièrement marqué par en physique, chimie et mathématiques.
Les lacunes en mathématiques pour les jeunes de 16 à 18 ans sont un problème que les autorités publiques tentent d’améliorer depuis des années.
En 2017 déjà, le ministère de l’éducation et des finances ont commandé une étude indépendante sur l’enseignement des mathématiques pour les jeunes de 16 à 18 ans en Angleterre. Dirigée par Sir Adrian Smith, le statisticien et alors vice-chancelier de l’Université de Londres avait été chargé d’étudier la faisabilité d’un enseignement des mathématiques jusqu’à 18 ans pour tous les élèves.
Le rapport promouvait l’augmentation de l’enseignement des mathématiques après 16 ans, mais conclut clairement que le pays ne disposait pas encore du « nombre approprié de choix disponibles ou de la capacité à dispenser le volume et la diversité de l’enseignement requis ».
Le rapport soulignait également la nécessité de « s’attaquer aux perceptions culturelles négatives des mathématiques ». À l’époque, Nick Gibb, ministre d’État chargé des normes scolaires jusqu’en septembre 2021 avant d’avoir été retiré du gouvernement de Boris Johnson, avait répondu que « des travaux étaient déjà en cours pour relever un certain nombre des défis » mis en évidence dans le rapport. M. Sunak a nommé M. Gibb en tant que ministre des écoles en octobre 2022.
Ce lundi, M. Sunak déclare que le changement de la « mentalité anti-maths » ne se ferait pas du jour au lendemain.