L’Église catholique espagnole a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les abus sexuels passés et présents. Cette annonce intervient seulement quelques semaines avant que le gouvernement ne se prononce sur une enquête parlementaire sur les abus de l’Église.

L’Église catholique espagnole va charger un cabinet d’avocats de mener une enquête sur les abus sexuels passés et présents qui auraient été commis par le clergé, les membres des ordres religieux et les enseignants et d’autres personnes liées à l’Église.
Le cabinet d’avocats Cremades & Calvo Sotelo et le président de la conférence épiscopale du pays, le cardinal Juan José Omella, ont annoncé l’enquête le 22 février. Elle durera un an.
Le cardinal Juan José Omella a déclaré que l’objectif était « d’aider et de réparer les victimes, en établissant des manières nouvelles et supplémentaires pour collaborer et dénoncer, en plus de celles qui existent dans plus de 40 bureaux mis en place par l’Église ». L’enquête est destinée à couvrir tous les abus et n’est pas limitée à une certaine période, selon Javier Cremades, fondateur du cabinet d’avocats et fervent catholique lui-même.
Le fondateur du cabinet d’avocats a déclaré qu’il ne facturerait pas l’enquête à l’Église et qu’il demanderait seulement à la Conférence épiscopale de couvrir les coûts logistiques ou les honoraires des conseillers externes.
Cette annonce intervient alors que les législateurs espagnols devraient voter en mars sur une enquête parlementaire concernant les abus sexuels commis par le clergé catholique. Javier Cremades a déclaré vouloir se coordonner avec les autorités espagnoles.
L’Église espagnole réticente à enquêter sur les abus sexuels
« Il ne s’agit pas d’une alternative, mais probablement d’un complément à ce qu’ils doivent faire, mais d’une manière professionnelle, organisée et certifiée, afin que personne ne puisse douter qu’il puisse s’agir d’une manipulation de la part de l’Église, du pouvoir en place ou d’une tierce partie », a déclaré l’avocat.
Cette annonce marque une rupture avec les précédentes positions de la conférence épiscopale espagnole. Pendant des années, elle a rejeté l’idée d’une enquête sur les cas d’abus sexuels. Elle encourageait plutôt les victimes à se manifester et à faire part de leurs doléances au diocèse.
Mais certains survivants d’abus sexuels sont restés sceptiques quant à l’intention réelle de l’Église. Fernando García Salmones, porte-parole de l’association Robbed Childhood, a qualifié l’audit de « manœuvre visant à détourner l’attention » puisque l’Église pourrait dicter ses conditions à un cabinet d’avocats dévoué à l’ordre catholique.
La pression publique sur les évêques pour qu’ils agissent s’est accrue récemment en Espagne. El País a par exemple estimé qu’il y avait au moins 1 200 victimes d’abus sexuels, bien que le nombre réel puisse être beaucoup plus élevé. La hiérarchie de l’Église aurait également rejeté de nombreuses allégations, ignoré les victimes et entravé les enquêtes, réaffectant souvent les prêtres vers de nouvelles paroisses ou vers des missions à l’étranger où ils pouvaient perpétuer leurs abus.
Quelques pays – les États-Unis, l’Australie, l’Irlande, la France et l’Allemagne – ont récemment mené des enquêtes sur les abus sexuels dans l’Église.
En Australie, 7 % des prêtres catholiques ont été accusés d’avoir abusé de mineurs entre 1980 et 2010. En Irlande, des enquêtes menées par des juges ont contribué à démanteler l’influence autrefois dominante de l’Église catholique sur la société et la politique irlandaises. En France, une enquête indépendante a estimé l’an dernier que quelque 330 000 enfants avaient été victimes d’abus sexuels commis par des membres du clergé catholique, des chefs scouts ou d’autres employés affiliés à l’Église catholique entre 1950 et 2020.
Au début de l’année, le Portugal a également lancé une enquête indépendante, financée par l’Église, tout en se heurtant aux mêmes réticences sur le fait qu’elle soit menée en interne. Mais peu d’enquêtes ont été initiées par un gouvernement comme en Espagne, un pays où la présence de l’Église catholique reste importante.