Les îles Salomon sont sur le point de signer un accord de sécurité avec la Chine. Pour ses voisins comme l’Australie, l’accord est perçu comme une menace de voir la Chine établir une présence militaire dans le Pacifique alors que Pékin accroît son influence dans la région.
Le 31 mars, les Îles Salomon ont annoncé avoir conclu un premier accord-cadre de coopération en matière de sécurité avec la Chine. Mais cet accord inquiète ses voisins du Pacifique, en particulier l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui y voient un potentiel pour les militaires chinois de se rapprocher de leurs territoires et de leurs zones d’influence.
Les Îles Salomon, quant à elles, affirment que l’accord permet de répondre aux « petites et grandes menaces intérieures » et défendent une diversification de leurs partenaires.
Les îles Salomon ont reconnu la semaine dernière l’existence d’un projet d’accord de sécurité avec la Chine. Mais elles n’ont pas fourni plus de détails, si ce n’est qu’il permettrait à la Chine de fournir un « environnement sûr pour les investissements locaux et étrangers », le gouvernement travaillant avec Pékin sur des projets de développement. Il comprendrait également une augmentation des relations commerciales avec la Chine et des accords universitaires. Grosso modo, la Chine s’assurerait de protéger ses investissements dans le pays.
Une version du projet d’accord ayant fuité la semaine dernière montrait que les Îles Salomon pourraient « demander à la Chine d’envoyer des policiers, du personnel militaire et d’autres forces armées et de sécurité ». La Chine pourrait également « faire venir des navires pour procéder à des réapprovisionnements logistiques dans les îles Salomon, y faire escale » pour des bateaux en transit.
L’Australie, la Nouvelle-Zélande et d’autres voisins se sont inquiétés la semaine dernière que le traité puisse entraîner une présence militaire chinoise près de leurs territoires. Les îles Salomon sont situées à moins de 2 000 kilomètres des côtes australiennes. Les voisins considèrent que la Chine pourrait établir une base militaire navale dans les îles Salomon avec l’accord.
L’Australie est le principal partenaire de ce petit pays du Pacifique qui se trouve cependant au milieu de routes maritimes stratégiques. Le premier accord de sécurité signé par les îles Salomon fut avec l’Australie en 2017. Mais Canberra est de plus en plus préoccupée par l’influence croissante de la Chine dans l’Indo-pacifique.
Le gouvernement australien a signé l’accord AUKUS pour acheter des sous-marins nucléaires américains pour cette raison et les relations actuelles entre l’Australie et la Chine sont difficiles.
En 2018, l’Australie a lancé le « Pacific Step Up » pour resserrer ses liens avec les autres pays du Pacifique et a mis en place un fonds de plusieurs milliards de dollars pour aider leur développement. De son côté, la Chine a augmenté son soutien financier dans la région, et a également accru sa pression en mer de Chine méridionale et sur Taïwan.
« Cela change l’équation si des navires de la marine chinoise opèrent depuis les îles Salomon », a déclaré le chef des opérations conjointes des forces de défense australiennes, le lieutenant général Greg Bilton selon ABC.
Pour la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern, le projet d’accord est « sérieusement préoccupant » en ce qui concerne une « militarisation potentielle » de la région, a‑t-elle déclaré à Radio NZ.
Pour le Premier ministre des Îles Salomon, Manasseh Sogavare, le pays doit diversifier ses partenaires pour « répondre à nos besoins de sécurité ». Il a toutefois rejeté les allégations selon lesquelles la Chine aurait l’intention de construire une base navale militaire. Alors que ses voisins ont fait pression pour réviser son plan, il a également déclaré qu’il était « insultant d’être catalogué comme inapte à gérer nos affaires souveraines ».
Pourtant de violentes émeutes ont éclaté dans les îles Salomon en fin d’année dernière et le gouvernement a demandé de l’aide pour rétablir le calme sur son territoire. L’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Fidji et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont répondu positivement à sa demande et ont envoyé des troupes pour stabiliser le pays.
En novembre, les manifestations avaient commencé pour demander au Premier ministre Sogavare de revoir sa décision de 2019 lorsqu’il s’est tourné vers la Chine aux dépens de Taïwan. Sogavare cherche a attirerr des investissements de Pékin. Les raisons sous-jacentes aux troubles antigouvernementaux récents et à la division du pays sont en fait liées à la présence des Chinois dans l’économie de l’archipel et des relations de l’exécutif avec Pékin.
Chinatown et la communauté chinoise fut particulièrement visés lors des violences, ce qui n’était pas une première sur ces 20 dernières années.
La Chine a également proposé son aide. Une équipe de policiers chinois est ainsi venue fin février aux îles Salomon pour former la population locale aux techniques « anti-émeutes ». Pékin a également envoyé du matériel d’entraînement. L’Australie, qui aide aussi régulièrement les forces salomonaises, trouverait gênant de partager sa présence avec des officiers chinois.
Les États fédérés de Micronésie, qui reçoivent également des aides de la Chine, ont appelé les Îles Salomon à reconsidérer leur position. Pour le président David Panuelo, cet accord de sécurité « entièrement nouveau et sans précédent » avec la Chine « risque d’accroître les tensions géopolitiques dans l’Océan Pacifique ».
La Micronésie se considère comme amie de la Chine mais alliée des États-Unis. « Les États-Unis et la Chine sont de plus en plus en désaccord », a écrit le président micronésien dans une lettre adressée à Sogavare. Il craint que « les îles du Pacifique soient à l’épicentre d’une future confrontation entre ces grandes puissances ».
En février, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré que les États-Unis prévoyaient de rouvrir une ambassade dans les îles Salomon. Les États-Unis ont également partagé leurs préoccupations concernant le projet d’accord de sécurité.
L’État de Micronésie et les îles Salomon ont tous deux été des champs de bataille pendant la Seconde Guerre mondiale, a rappelé le président micronésien.
Le gouvernement des Îles Salomon a défendu jeudi sa politique « amis avec tous, ennemis avec personne », et a déclaré que l’accord serait « nettoyé » avant la signature des ministres des affaires étrangères respectifs, sans fournir de détails sur ce que cela signifie.