L’actrice pornographique colombienne Esperanza Gómez a saisi la Cour constitutionnelle de Colombie car Instagram a fermé son compte alors qu’elle affirme que ses posts n’enfreignaient pas les règles d’utilisation de la plateforme.

L’actrice pornographique colombienne Esperanza Gómez Silva a saisi la Cour constitutionnelle de Colombie contre Facebook Colombia S.A.S, Instagram Colombia et Meta Inc., la société mère de Facebook et Instagram, car Instagram a fermé son compte et censuré le contenu qu’elle publiait à plusieurs reprises. Elle affirme que ces entreprises la discriminent en raison de son métier d’actrice dans des films X même si le contenu qu’elle publie n’est pas pornographique.
À ce titre, elle a décidé de déposer le 4 novembre une accion de tutela (action de tutelle) pour protéger ses « droits fondamentaux à l’égalité et à la non-discrimination, à la liberté d’expression, au libre développement de la personnalité, au travail, à une vie digne et au revenu minimum vital ».
Créée depuis la Constitution colombienne de 1991, l’action de tutelle est un mécanisme qu’une personne peut invoquer pour bénéficier d’une protection immédiate de ses droits fondamentaux lorsqu’il n’existe aucun autre moyen de défense judiciaire et lorsqu’il y a besoin d’éviter un préjudice irrémédiable.
C’est dans une certaine mesure similaire à l’amparo au Mexique, qu’un citoyen a par exemple déposé contre les crèches de Noël dans l’espace public afin de protéger ses droits constitutionnels dans un État laïque.
Lors d’une session technique sur la liberté d’expression sur les réseaux sociaux organisée par la Cour constitutionnelle de Colombie le 15 novembre pour aider les magistrats à prendre leur décision, Mme Gómez a expliqué qu’elle avait ouvert son compte Instagram afin de diversifier ses sources de revenus pour qu’ils ne soient plus uniquement tirés des tournages de films pour adultes.
Mais en mai 2021, Instagram a fermé son compte alors qu’elle y avait accumulé 5,7 millions de followers. Entre le 23 mars et le 8 novembre 2021, Instagram a supprimé six de ses posts dans lesquels elle apparaissait en sous-vêtements car ils contenaient des « services sexuels pour adultes ».
Son compte Instagram compte désormais 600 000 followers, ce qui a un impact sur ses revenus lorsque des entreprises veulent promouvoir leurs produits à travers l’audience de Mme Gómez.
L’ancienne mannequin et playmate âgée de 42 ans affirme que son contenu est interdit uniquement parce qu’elle est une actrice pornographique. Instagram a considéré que son contenu était de la pornographie explicite et incitait à offrir des services sexuels, ce qui enfreignait les règles d’utilisation de la plateforme. « Je suis fière d’être actrice porno mais je n’ai jamais été une prostituée ni une escorte », affirme-t-elle aux magistrats.
Au cours de la session, elle a expliqué que son activité sur les réseaux sociaux n’avait rien à voir avec le porno, car elle y partageait plutôt sa vie quotidienne comme beaucoup d’autres influenceurs, comme lorsqu’elle cuisine, promène son chien, fait de l’exercice à la salle de sport, etc.
En tant qu’influenceuse disposant d’une large audience, elle a été contactée par des entreprises pour promouvoir leurs produits, y compris des entreprises grand public. La plupart de son travail dans l’industrie du X est effectué à Miami aux États-Unis, mais elle est domiciliée en Colombie.
Elle a donné l’exemple d’une campagne promotionnelle « sensuelle mais pas pornographique » pour une entreprise de sous-vêtements censurée par Instagram car la plateforme considérait qu’elle vendait des services sexuels. Elle se levait du lit en sous-vêtements mais ne montrait pas les parties intimes de son corps.
Elle rejette le fait que sa personne ne soit ramenée qu’au porno. « Un lit n’est pas seulement destiné au sexe ou à la pornographie, nous pouvons nous reposer et dormir dans un lit. (…) Si j’ai une photo avec une banane, pour Instagram c’est de la pornographie », a‑t-elle dénoncé.
En tant que personnalité connue en Colombie, la « référence la plus importante de la pornographie en Colombie » selon elle, « Esperanza Gómez Silva est une marque, qui dépasse la pornographie. »
Ainsi, elle souhaite qu’Instagram respecte son droit fondamental au travail lorsque que de nombreux autres influenceurs, mannequins ou publications comme Playboy partagent des contenus sensuels et suggestifs sans y être interdits. La plupart du contenu de son compte Instagram actuel la montre en sous-vêtements ou avec très peu de vêtements de manière suggestive, mais n’a pas de contenu sexuellement explicite.
Son compte Instagram est restreint aux personnes majeures dans les paramètres de l’application car elle ne veut pas que les mineurs voient des contenus sensuels ou des personnes peu vêtues. Elle a également expliqué qu’une des photos de son compte officiel avait été censurée par Instagram alors que cette même photo, mais publiée sur un faux profil d’elle, qu’elle a signalé à la plateforme n’avait pas été considérée comme enfreignant les règles d’utilisation. « Je veux qu’ils respectent mes droits. C’est une discrimination évidente. »
Mme Gómez souhaite que son compte Instagram soit rétabli avec ses anciens followers, que l’entreprise mette fin à la persécution dont elle fait l’objet et verse une compensation pour les bénéfices perdus, selon le document de la Cour constitutionnelle.
Lors de la session au cours de laquelle divers enseignants, chercheurs ou experts de la liberté d’expression ont donné leur avis sur les activités sur les réseaux sociaux, l’avocate Irma Rivera Ramirez est intervenue pour représenter Facebook Colombie.
Elle a déclaré que Facebook Colombie, une société enregistrée en Colombie, était indépendante d’Instagram et ne « contrôle pas, n’exploite pas ou n’administre pas les services d’Instagram » et ainsi ne peut être tenue responsable dans l’action de tutelle déposée par Mme Gómez. L’entreprise a également défendu que cette plainte n’était pas recevable car il s’agissait d’une question strictement économique et qu’elle avait été déposée plus de six mois après la supposée violation des droits.
Instagram Colombia, Meta Platforms, Inc. et le ministère colombien des technologies de l’information et de la communication n’ont pas répondu à la plainte.
La décision de la Cour constitutionnelle doit être rendue d’ici le 21 novembre.