En République tchèque, les cantines scolaires peuvent vendre des repas à des clients en plus de servir les élèves et le personnel de l’école. Les restaurants considèrent qu’il s’agit d’une concurrence déloyale compte tenu de leurs subventions publiques et des prix pratiqués.
En un jour d’école classique au mois de mars à Hodonín, une ville de l’est de la République tchèque de 25 000 habitants située à proximité de la frontière slovaque, une soixantaine d’adultes viennent à la cantine payer et retirer leur commande pour le déjeuner. Dans une autre école à Brno, 250 repas pour adultes sont disponibles à la vente, rapporte le média tchèque Deník. Certaines écoles proposent même des services de livraison.
Mais ces clients ne peuvent pas manger sur place et doivent apporter un contenant pour ramener leur déjeuner, car ils ne font pas partie du personnel de l’école, et encore moins des élèves.
La plupart des clients des cantines scolaires sont des retraités, des mères célibataires ou des bénéficiaires de programmes sociaux locaux.
Mais pour certains restaurants, cette offre des écoles relève d’une « concurrence déloyale ». Les entreprises privées ont dû faire face à la pandémie de COVID-19 et maintenant à l’inflation, tandis que les écoles bénéficient de subventions publiques constantes de la part de la municipalité, de la région ou de l’État pour fonctionner et vendre ensuite des plats à des prix imbattables. Elles n’ont pas non plus à payer le nouveau matériel ni de taxe foncière.
En République tchèque, on peut acheter un déjeuner complet, entrée-plat-dessert, à la cantine d’une école pour environ 80 à 90 couronnes (3,30 à 3,80 euros). Dans un restaurant de Brno, la deuxième ville du pays, une pizza ou un hamburger coûterait au moins deux fois plus cher.
En décembre 2022, les travailleurs dépensaient en moyenne 180 couronnes (7,60 euros) pour un déjeuner, selon les données recueillies par Sodexo Benefity avec la Gastro Pass Card, la carte de tickets restaurants la plus utilisée dans le pays. C’est à Prague que les déjeuners étaient les plus chers : 204 couronnes (8,60 euros) en moyenne. Le coût moyen d’un déjeuner selon ces données a augmenté de 19 % en un an dans le pays.
En février, l’Association des petites et moyennes entreprises et des commerçants de la République tchèque (AMSP) dénonçait le fait que les restaurants du pays « font faillite. En plus de l’inflation, les cantines scolaires ». Selon l’association, près d’une personne sur quatre âgée de plus de 70 ans bénéficie d’un déjeuner à tarif réduit et la moitié d’entre elles mangent dans l’une des 8 000 cantines scolaires de la République tchèque.
Les cantines scolaires ne sont pas concurrents des restaurants
Un entrepreneur d’une ville de 3 000 habitants a envoyé une lettre à l’association, estimant « qu’on dit que c’est pour offrir à nos retraités des déjeuners moins chers. Mais ce n’est qu’un alibi, car nous payons tous, et surtout, d’autres citoyens et entreprises peuvent utiliser ces services et le font. » Il a saisi le bureau de protection de la concurrence (ÚOHS).
Mais l’ÚOHS a répondu que rien n’indiquait que les informations disponibles pouvaient conduire à une violation des conditions de concurrence économique.
Les cantines scolaires affirment qu’elles ne gèrent pas une entreprise, mais qu’elles essaient de compenser l’augmentation du prix de l’alimentaire en vendant des repas afin d’éviter de réduire le budget consacré à d’autres dépenses.
Les parents paient généralement environ 50 couronnes (2 euros) le repas de leurs enfants à l’école, dont le prix évolue en fonction de l’âge. Le personnel de l’école paie des prix plus élevés, plus proches de ceux des clients de l’extérieur.
Mais les cantines ne peuvent vendre qu’à certaines catégories de personnes éligibles dans le cadre des services sociaux, et les prix doivent couvrir tous les coûts pour ne pas utiliser de fonds publics, explique Martin Švanda, porte-parole de l’ÚOHS, à Podnikatel. Ils ne servent pas les repas pour les enfants au même moment et au même endroit que pour les clients. La fourniture de repas aux écoliers doit rester leur objectif principal.
En octobre dernier, le ministère de l’éducation a autorisé les écoles à augmenter le prix de leurs repas de 20 % à partir de février pour faire face à la hausse du coût des matières premières. Après dix ans sans augmentation, le plafond avait également été relevé en septembre 2021.
Le taux d’inflation en République tchèque est supérieur à 10 % tous les mois depuis janvier 2022, selon l’office statistique tchèque. En septembre dernier, les prix à la consommation ont augmenté de 18 % par rapport à septembre 2021.
Mais le mécontentement de restaurateurs tchèques contre les cantines scolaires ne sont pas nées avec la récente flambée des prix.
En 2018 déjà, l’association tchèque des hôtels et restaurants et l’AMSP se plaignaient de la concurrence déloyale des cantines scolaires, rapportait alors le journal Lidovky. Il y a cinq ans, un repas complet coûtait moins de 70 couronnes dans une cantine et plus de 100 couronnes (4,20 euros) dans un restaurant.