L’Argentine a décidé d’arrêter les exportations de viande bovine pendant 30 jours afin d’enrayer la hausse des prix dans le pays. En réaction, les organisations du secteur agricole, regroupées au sein de la Commission des entités agricoles, arrêteront complètement la commercialisation de bœuf pendant 9 jours.
Le président Alberto Fernandez a annoncé la mesure d’interdiction des exportations pendant 30 jours au Consortium des exportateurs de viande le 17 mai 2021. Son action vise à lutter contre l’inflation des prix de la viande.
Le président avait déjà averti le secteur d’une telle mesure s’il ne recevait pas une meilleure alternative à l’augmentation continue du prix de la viande bovine. L’accord conclu avec le gouvernement pour offrir 8 000 tonnes de viande à prix réduit, soit 0,3 % des 3 millions de tonnes de la 4e production nationale mondiale, n’a donc pas suffi.
L’association argentine des Brangus, une race bovine, a appelé « l’ensemble de la production et de l’industrie à réagir contre ce qui nous rappelle au souvenir de tristes résultats », faisant référence aux restrictions imposées il y a 15 ans.
En 2006, le président Néstor Kirchner avait décidé de stopper les exportations de viande bovine afin d’enrayer l’inflation du prix de la viande en Argentine.
Le prix de la viande hors de contrôle en Argentine
Ces restrictions d’exportation ont duré 10 ans, jusqu’à ce que Mauricio Macri devienne président et supprime les quotas en 2015. Depuis, le volume des exportations a été multiplié par 4.
En 2005, l’Argentine ne pouvait pas vendre plus de 700 000 tonnes par an en dehors du pays. En 2015, la quantité vendue était inférieure à 200 000 tonnes. Cependant, elle a atteint 933 000 tonnes pour les 12 derniers mois, générant 2,7 milliards de dollars de revenus, un marché alimenté par la demande de la Chine. Ce pays représente 74 % des exportations argentines et la quantité qu’il a achetée a augmenté de 37 % en un an.
Mais le président Alberto Fernández reproche à la présidence précédente d’avoir libéralisé le marché, et vise les grands agriculteurs industriels qui spéculent sur le boom de la demande chinoise.
Sur Radio 10, il a expliqué que « le prix est la seule chose qui a changé : de 150 pesos à 800 pesos le kilo. La libéralisation ne profite pas au marché mais aux plus puissants », qui sont décrits comme « el rulo de la carne », le rouleau compresseur de la viande. Pour le président, qui est en faveur des quotas et de la réglementation pour assurer l’approvisionnement du marché intérieur, le problème autour de la viande est « hors de contrôle ».
En effet, le pays souffre d’une inflation vertigineuse de 45% par an sur les trois dernières années. Et selon l’IPCVA, l’Institut pour la promotion de la viande bovine, la viande est 65% plus chère que l’année dernière pour les Argentins. Cela représente une augmentation supérieure au taux d’inflation alors que, dans le même temps, la consommation intérieure du produit a diminué de 12 %.
Et en parallèle, les exportations de viande bovine ont augmenté de 24% en volume et de 8% en recettes (226 millions de dollars en mars 2021). Quand 18% du bétail argentin était dédié au marché extérieur en 2018, la proportion a bondi à plus de 25% de la production vendue hors du pays en 2019 et 2020.
10 000 emplois perdus à cause des restrictions d’exportation en 2006
Mais pour Daniel Pelegrina, le président de la SRA, la Société rurale argentine, « fermer les exportations de viande pendant 30 jours est une erreur et un retour en arrière à tous points de vue. Elle causera des dommages irréparables à un secteur productif qui a prouvé qu’il créait des emplois et de l’activité sur tout le territoire national. […] Et, le pire, c’est que, comme l’a montré l’histoire récente du kirchnérisme, cela ne contribuera pas à faire baisser les prix, surtout à long terme ».
L’Argentine pourrait perdre 240 millions de dollars en fermant les frontières pour l’exportation de viande pendant 30 jours. De plus, les agriculteurs préféreraient probablement réduire leur activité plutôt que de voir leur prix baisser.
Dans le contexte d’une inflation galopante qui affecte les prix du gaz ou des machines, les coûts de production pourraient devenir rapidement supérieurs au prix de vente, incitant les agriculteurs à ralentir leur production. En conséquence, l’offre à la population argentine s’en trouvera réduite, ce qui limitera au final la réduction des prix. En 2006, un an après les restrictions, la production avait diminué de 20% et 10 000 emplois avaient été perdus, tandis que le prix payé par le consommateur final était seulement inférieur de 5%.
Au début de l’année, le gouvernement avait déjà arrêté les exportations de maïs, mais les a rouvertes après une grève de 72 heures.