Les cartels mexicains redoutés se sont développés au-delà de la drogue pour rester puissants, mais les menaces de violence dans les communautés à travers le pays reste la même.
Dans l’état du Michoacán, situé dans l’ouest du Mexique, la presse locale appelle « antennes narco » des antennes internet disséminées dans diverses municipalités de la région. En effet, un cartel local en installe un peu partout, souvent à l’aide de matériel volé. Puis ses membres facturent ensuite les habitants entre 400 et 500 pesos (21 à 27 euros) par mois pour leur utilisation.
Leur argument de vente est : « Payez, sinon ». Des personnes ont été « forcées de contracter des services Internet à des coûts excessifs, sous prétexte qu’ils seraient privés de leur vie s’ils ne le faisaient pas », ont déclaré les procureurs. Bien qu’aucun décès lié à cette escroquerie n’ait été signalé, il s’agissait d’une activité lucrative pour le cartel dont le nom ne fut pas divulgué, mais qui est soupçonné être Los Viagras, qui gagnait environ 135 000 euros par mois.
Le 29 décembre, le bureau du procureur général de l’État de Michoacán a déclaré que trois mandats de perquisition avaient permis d’arrêter un homme ainsi que trois antennes, des répéteurs Internet, des routeurs et des ordinateurs. Le matériel était étiqueté « Telmex », du nom de l’entreprise de télécommunications détenue par le milliardaire mexicain Carlos Slim.
Les autorités savent depuis longtemps que les cartels mexicains utilisent des antennes radio et Internet pour communiquer entre eux et échapper aux autorités. Toutefois, l’utilisation de ces tours pour extorquer de l’argent aux habitants s’inscrit dans une nouvelle tendance visant à étendre leur base d’opérations bien au-delà de la drogue.
« Ils sont également en train de détenir des monopoles de facto de certains services et d’autres marchés légaux », a récemment déclaré à l’Associated Press Falko Ernst, analyste pour le Mexique au Crisis Group. Il ajoute qu’en prenant le contrôle d’une plus grande partie du pays, ils se sont formés des « fiefs ».
Diversification au-delà du business de la drogue
L’un des domaines de diversification des cartels concerne notamment les avocats. Comme 80 % des avocats du pays sont cultivés dans l’État du Michoacán, et plus que partout ailleurs dans le monde, les cartels qui contrôlent la région ont compris qu’il pouvait s’agir d’une source de revenus régulière pour eux.
« Depuis longtemps, les organisations criminelles en guerre les unes contre les autres diversifient leur portefeuille criminel, a déclaré à USA Today David Saucedo, un analyste de la sécurité basé au Mexique. Ils se livrent à des enlèvements et à des extorsions, et ils ont rapidement identifié des activités très lucratives, telles que le contrôle et la collecte d’avocats extorqués aux producteurs. »
À ce jour, les producteurs et les entreprises de conditionnement ont pris l’habitude de payer 1 000 pesos (54 euros) au cartel de Los Viagras ou au cartel Jalisco New Generation (CJNG), les deux groupes qui contrôlent l’État, pour avoir le droit de produire et de distribuer en toute sécurité des avocats – ou « l’or vert », comme on les appelle localement.
Une autre escroquerie récente concerne la fraude à la multipropriété, qui vise les Américains âgés. En novembre, les autorités américaines de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) ont identifié le cartel de la drogue de Jalisco comme étant les fraudeurs qui utilisaient des centres d’appel pour promouvoir de fausses offres de multipropriété auprès d’Américains. Certains sont allés jusqu’à se faire passer pour des membres du Trésor américain ou des employés de l’OFAC.
Au moins 600 Américains ont été escroqués pour un montant de 40 millions de dollars. L’OFAC a finalement annoncé des sanctions à l’encontre de trois citoyens mexicains et de 13 entreprises liées au cartel de Jalisco à Puerto Vallarta, connu pour assassiner les employés des centres d’appel qui démissionnaient.
Alors que la lutte contre la drogue est toujours au centre de l’attention dans le sud du pays, en septembre dernier, le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a indiqué que les cartels avaient coupé l’électricité et empêché les travailleurs du gouvernement de réparer les lignes électriques au Chiapas, près de la frontière avec le Guatemala.
Les cartels en lutte ont agi de la sorte pour contrôler les routes de la drogue en provenance d’Amérique centrale, ainsi que pour faire passer clandestinement les migrants qui se dirigeaient vers la frontière américaine. Il est également soupçonné que les cartels soudoyaient les habitants pour qu’ils servent de soutien civil, ce que l’on appelle au Mexique les « bases sociales ».
Ils utilisent également de nouvelles méthodes pour tuer. Jeudi dernier, les procureurs de l’État de Guerrero, dans le sud du pays, ont déclaré qu’un cartel avait attaqué 30 personnes par drone, tuant cinq d’entre elles.
On estime à 200 le nombre de cartels et d’organisations criminelles au Mexique.