Ses empreintes digitales pour avoir le droit d’avoir une téléphone portable au Mexique ?

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20 avril 2021

Le Sénat mexicain a approuvé un amendement obligeant les personnes à enregistrer leurs données biométriques pour utiliser un téléphone portable. L’objectif est de réduire les enlèvements et les extorsions.

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Les Mexicains devront fournir des données biométriques pour utiliser un numéro de téléphone portable | Jonas Leupe

Données biométriques pour utiliser ou acheter un numéro de téléphone portable

Le 16 avril 2021, le Sénat mexicain a approuvé un amendement obligeant les Mexicains à fournir des données personnelles pour utiliser un numéro de téléphone portable.

Trois jours après la création d’un registre national des utilisateurs de téléphones mobiles (Padrón Nacional de Usuarios de Telefonía Móvil), le Sénat a détaillé les données que les particuliers doivent fournir aux opérateurs de téléphonie.

Le registre contiendrait des informations sur l’identité des utilisateurs, telles que leur adresse ou leur nationalité. Mais le décret mentionne également une exigence plus controversée : Les données biométriques de l’utilisateur.

Le texte ne précise pas quelles données biométriques doivent être collectées. Les identifiants biométriques uniques pourraient donc inclure les empreintes digitales, les veines de la paume, la reconnaissance faciale ou même l’ADN de l’utilisateur. Les entreprises pourront éventuellement « échanger des informations avec les autorités compétentes » pour des raisons de sécurité et dans des affaires judiciaires liées aux activités criminelles.

Ainsi, pour utiliser un téléphone portable, un Mexicain devra peut-être donner ses empreintes digitales avant d’appeler un proche, bien que la manière dont les fournisseurs de opérateurs collecteront et transmettront ces données n’ait pas encore été définie.

Lutte contre les enlèvements et les extorsions

En réaction à l’amendement, l’Institut national pour la transparence, l’accès à l’information et la protection des données personnelles a averti que « la collecte de données biométriques devrait être aussi limitée que possible » car toute « vulnérabilité des données biométriques peut conduire à des dommages significatifs et parfois irréparables ».

Le fait de ne pas enregistrer son numéro de téléphone portable peut entraîner une amende comprise entre 280 et 560 dollars.

Selon les législateurs mexicains, l’objectif est surtout de « mettre fin à des crimes tels que l’extorsion et l’enlèvement qui, dans de nombreux cas, sont commis à l’aide de téléphones portables ».

La présidente de la Commission des transports et des télécommunications, Lucía Meza Guzmán, a déclaré que 89 % des extorsions ont été réalisées par téléphone en 2019. De plus, ces activités génèrent 600 millions de dollars pour le crime organisé chaque année. Le registre viserait à identifier plus facilement un crime, ses auteurs et à suspendre instantanément les communications.

Inquiétudes sur la protection de la vie privée et doutes sur l’efficacité

Les opposants au projet de loi demandent le respect de la confidentialité des données personnelles sensibles et doutent de son efficacité.

R3D, une organisation mexicaine de défense des droits numériques, s’inquiète des conséquences d’un enregistrement des données de personnes innocentes « compte tenu de la facilité avec laquelle un numéro de téléphone peut être usurpé et de la vulnérabilité des enregistrements ».

En 2009, une base de données similaire, sans biométrie, avait été mise en place au Mexique pour réguler la criminalité. Deux ans plus tard, le système « RENAUT » avait été supprimé en raison de son inefficacité et remplacé par la géolocalisation des appareils mobiles. Moins de deux mois après l’adoption de la loi, l’ensemble des données s’était retrouvé en vente libre sur internet.

Selon La Jornada, 18 pays dans le monde exigent des données biométriques pour obtenir une carte SIM, dont la Chine, Singapour et le Pérou.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.