En Nouvelle-Zélande, les agriculteurs effectuent leurs dernières exportations de bétail vivant par voie maritime, toutes vers la Chine, car une interdiction entrera en vigueur à la fin du mois d’avril pour des raisons de bien-être animal.
Les agriculteurs néo-zélandais effectuent leurs dernières expéditions de bétail vivant avant l’entrée en vigueur de l’interdiction à la fin du mois. La Nouvelle-Zélande a interdit les exportations d’animaux vivants par voie maritime, pour des raisons de bien-être animal.
Jusqu’à présent, en 2023, le ministère des industries primaires a enregistré trois livraisons en janvier et février, pour un total de 15 000 bovins vivants transportés par les mers à l’étranger. Deux autres expéditions étaient prévues, le dernier navire devant partir le 19 avril.
Tous ces navires envoient des bœufs en Chine pour de la reproduction. Quelques animaux meurent à chaque voyage. Jusqu’à présent, neuf animaux ont été déclarés morts à leur arrivée en Chine en 2023, ce qui représente 0,09 % du total des animaux transportés.
Si les éleveurs ont bénéficié d’une récente hausse des prix parce que les importateurs chinois voulaient se sont empressés de se fournir en bétail avant l’entrée en vigueur de l’interdiction, celle-ci marque également la fin d’un commerce très dynamique de ces dernières années.
En 2021 et 2022, la Nouvelle-Zélande a exporté chaque année 135 000 bovins vivants par voie maritime, tous à destination de la Chine, pour des taux de mortalité de 0,07 et 0,05 %.
Pourtant, dans les années précédant la pandémie de Covid-19, la Nouvelle-Zélande exportait moins de 50 000 bovins vivants par an. En 2020, les exportations ont décollées, avec plus de 100 000 têtes envoyées en Chine.
Mais cette année-là, en septembre, le Gulf Livestock 1, navire bétailler avec 43 membres d’équipage et près de 6 000 vaches à bord, a coulé au large des côtes japonaises dans une mer agitée lors du typhon Maysak. L’équipage était composé de deux Australiens, deux Néo-Zélandais et de 39 Philippins et avaient quitté de Nouvelle-Zélande pour se rendre en Chine. Seuls deux Philippins ont survécu ; un autre est décédé quelques jours après avoir été secouru et les autres membres de l’équipage n’ont pas été retrouvés. Le bétail a péri.
Cette tragédie a alors conduit le ministère des industries primaires à interrompre les exportations pendant plusieurs mois, le temps qu’un audit indépendant soit effectué, pour les reprendre dans le cadre de règles plus strictes visant à améliorer les conditions de vie des animaux.
En avril 2021, le gouvernement a ensuite soumis un projet de loi visant à modifier la loi sur la protection des animaux et à interdire les exportations de bétail (bovins, cerfs, chèvres ou moutons) par voie maritime. Ce projet de loi a interdit les exportations commerciales ainsi que les exportations à des fins d’aide humanitaire. La loi n’affecte pas l’exportation d’animaux vivants par voie aérienne, pour laquelle les temps de voyage sont beaucoup plus courts.
Alors qu’un examen du bien-être animal dans les exportations de bétail était à l’étude depuis 2019, la tragédie a mis en évidence les risques liés à l’exportation d’animaux vivants par bateau, a justifié le ministre de l’agriculture, Damien O’Connor, lors de l’annonce du plan. « Au cœur de notre décision se trouve le maintien de la réputation de la Nouvelle-Zélande pour ses normes élevées en matière de bien-être animal », a justifié M. O’Connor, estimant que ce commerce posait un risque inacceptable pour la réputation de la Nouvelle-Zélande dans un monde où le bien-être animal faisait l’objet d’une préoccupation de plus en plus pressante.
Seul le bétail destiné à l’élevage et à la reproduction, et non destiné directement à l’abattoir, est exporté de Nouvelle-Zélande depuis 2008 et un seul lot d’ovins, à destination du Mexique, fut exporté par voie maritime en 2015. En 2020, l’industrie avait proposé une série de mesures visant à améliorer les normes relatives au bien-être des animaux restée lettre morte par les autorités.
Alors que l’opinion publique était favorable à une interdiction immédiate, le gouvernement a installé une période de transition de deux ans pour terminer les contrats commerciaux et permettre l’exportation des veaux nés de génisses déjà en gestation. Le gouvernement a finalement adopté le projet de loi en septembre 2022. La période de transition se termine ainsi le 30 avril 2023.
Pour les quelque 4 000 agriculteurs qui vendaient des bovins à l’export, l’interdiction est synonyme de perte d’opportunités économiques. L’exportation de vaches vers la Chine était plus rentable que la vente sur le marché intérieur. Une vache était vendue entre 1 600 et 1 900 dollars néo-zélandais (900 à 1 000 euros) à la Chine, et même plus de 2 000 dollars néo-zélandais à la fin de l’année 2022, alors que le même animal vaut entre 500 et 600 dollars néo-zélandais (285 à 342 euros) en Nouvelle-Zélande. Les producteurs laitiers affirment également que les jeunes veaux mâles sont tués au lieu d’être exportés parce qu’ils ont peu de valeur sur le marché intérieur.
Selon Livestock Export New Zealand (LENZ), un groupe soutien des exportations de bétail de l’Animal Genetic Trade Association, l’interdiction coûterait 474 millions de dollars néo-zélandais par an à l’économie du pays à court terme (270 millions d’euros). Les agriculteurs contraints de cesser d’exporter du bétail perdraient entre 49 000 et 116 000 dollars néo-zélandais par an.
Les exportations de bétail vivant représentent environ 0,2 % de l’ensemble des recettes agricoles depuis 2015 selon l’organisation professionnelle.
Dans un article d’opinion financé par LENZ et publié sur le site web du New Zealand Herald, le principal journal néo-zélandais, le président de LENZ Mark Willis défendait que le vide laissé par les agriculteurs sur le marché chinois serait comblé par des exportateurs d’autres pays dont les « normes de bien-être animal sont bien moins rigoureuses que celles de la Nouvelle-Zélande ».
La Chine est le premier client de nombreux pays pour la viande bovine, et en Argentine, la viande bovine exportée vers la Chine est restreinte pour limiter l’inflation dans le pays. Selon une étude de McKinsey, la Chine a consommé près de 100 millions de tonnes de viande en 2021, soit 27 % du total mondial. C’est le double de la consommation totale des États-Unis, mais la moitié de la consommation par habitant de ce dernier. La société de conseil prévoit que le marché de la viande en Chine augmentera de 1 % par an de 2022 à 2026, avec une tendance à passer du porc – la première viande consommée en Chine – au bœuf.
Le mois dernier, Mark Cameron, porte-parole des industries primaires de l’ACT, le parti politique libéral-conservateur qui détient 10 des 120 sièges de la Chambre des représentants dominée par le parti travailliste, a présenté un projet de loi visant à abroger l’interdiction à venir. Début avril, il a également demandé au gouvernement « de laisser les agriculteurs tranquilles et de prendre en compte l’impact et les coûts supplémentaires de ses réformes sur le moteur économique de la Nouvelle-Zélande », estimant qu’ils doivent déjà faire face à l’augmentation des coûts de production et aux politiques de protection du climat.