Valises échangées à l’aéroport : le Brésil veut faire libérer deux brésiliennes soupçonnées de trafic de cocaïne en Allemagne

5 minutes de lecture
10 avril 2023

Le Brésil cherche à libérer Jeanne Paolini et Kátyna Baía, deux brésiliennes soupçonnées de trafic international de cocaïne et détenues en Allemagne depuis un mois. La police fédérale brésilienne estime que leurs valises ont été échangées à leur insu pour deux autres bagages contenant 40 kg de cocaïne pendant une escale à un aéroport de São Paulo.

aéroport international de São Paulo-Guarulhos
Terminal de l’aéroport international de São Paulo-Guarulhos, l’aéroport le plus fréquenté du Brésil.

Jeanne Paolini, vétérinaire, et Kátyna Baía, coach sportive, vivent à Goiânia, la capitale de l’État de Goiás au sud-ouest de Brasilia, et sont mariées depuis 12 ans. Adeptes de voyages, elles s’étaient envolées le mois dernier vers l’Europe pour 20 jours de vacances à travers l’Allemagne, la Belgique et la République tchèque. Mais au lieu de parcourir les villes européennes, cela fait un mois qu’elles sont en prison à Francfort, soupçonnées d’avoir participé à un trafic international de cocaïne.

Elles ont décollé de l’aéroport international Santa Genoveva de Goiânia pour se rendre en Allemagne, avec deux escales, dont une à São Paulo. Le 5 mars, les autorités allemandes les ont arrêtées à Francfort après l’atterrissage de leur vol en provenance du Brésil. Elles ont passé le contrôle de l’immigration et se sont dirigées vers la porte d’embarquement pour prendre l’avion en direction de Berlin lorsqu’elles ont été appréhendées et menottées par des officiers allemands. Deux de leurs valises étiquetées à leurs noms étaient remplies de cocaïne.

Mais pour la police fédérale du Brésil, « il existe une série de preuves qui permettent de penser qu’elles ne sont pas impliquées dans le transport de drogue car elles ne correspondent pas au schéma habituel des soi-disant mules ». Le voyage était prévu longtemps à l’avance – les billets et les réservations d’hôtel ont été achetés en juin dernier – ce qui serait inhabituel si c’était l’œuvre de criminelles, selon la police.

Le 4 avril, la police fédérale a déclaré avoir identifié et arrêté six personnes qui ont envoyé 40 kg de cocaïne en Allemagne en échangeant des valises des deux voyageuses ne contenant aucun produit illicite contre des bagages remplis de stupéfiants. Ils ont retiré les étiquettes des bagages enregistrés et les ont collé sur ceux contenant la drogue.

Dans un rapport des Nations unies alertant d’une quantité de cocaïne en circulation à un niveau jamais atteint dans le monde, le Brésil apparaît de plus en plus comme une zone de transit de la cocaïne en direction de l’Europe de l’ouest.

Les valises auraient été échangées lors d’une escale à São Paulo

Fantástico, un magazine d’information brésilien diffusé sur TV Globo, a publié les vidéos de caméras retraçant le voyage des deux valises appartenant aux Brésiliennes. L’échange des valises aurait eu lieu à l’aéroport international de Guarulhos à São Paulo, l’aéroport le plus fréquenté du pays, où les deux Brésiliennes ont fait une escale de 11 heures.

Deux employés de WFS Orbital, une société de services aéroportuaires, sont vus en train de manipuler les deux sacs. Le premier employé prend la valise rose clair de Jeanne, regarde l’étiquette et la pose sur le sol. Un deuxième employé arrive, vérifie la valise et semble la prendre en photo avec son téléphone portable. Le premier employé remet la valise sur le convoyeur. La valise noire de Kátyna est alors placée avec celle de Jeanne par le deuxième employé, qui change également son étiquette.

aéroport São Paulo valises
Des images de vidéosurveillance montrent un employé en train de changer l’étiquette du bagage de Jeanne Paolini lors de son escale à l’aéroport de São Paulo. La police pense qu’il a été échangé avec une valise pleine de cocaïne. | Fántastico

Quelques minutes plus tard, deux femmes non identifiées se présentent avec deux valises, de tailles et de couleurs différentes mais relativement similaires à celles des deux Brésiliennes, à l’un des terminaux de l’aéroport peu après 20h30. Elles les déposent à un comptoir d’enregistrement en présence d’une femme alors que l’endroit est presque vide, aucun comptoir d’enregistrement des bagages n’étant alors ouvert. Elles quittent l’aéroport quelques minutes plus tard sans bagages et sans prendre l’avion.

La femme qui a reçu les bagages au comptoir et les a placés sur le tapis était une employée de Gol, une compagnie aérienne brésilienne low-cost. Elle a reconnu avoir participé à l’opération. La police a saisi 43 000 réaux (7 800 euros) en espèces à son domicile. Elle est la seule suspecte à être actuellement libre en vertu d’une décision de justice.

Dans une note envoyée à Fantástico, Gol a déclaré que l’entreprise était à la disposition des autorités pour collaborer de quelque manière que ce soit et qu’elle prendrait les mesures appropriées à la fin de l’enquête.

Les valises avec 20 kg de cocaïne chacune ont ensuite été amenées par un homme puis transportées depuis la zone des vols intérieurs jusqu’à la zone des vols internationaux en passant par la piste de l’aéroport afin d’éviter les dispositifs de contrôle, selon la police brésilienne. L’échange présumé des bagages se serait déroulé derrière un pilier dans l’angle mort de la caméra de sécurité par le second employé de WFS Orbital.

Arrêté, le premier employé s’est défendu d’appartenir à quelque projet criminel, qu’il était prêt à collaborer aux enquêtes et qu’il était victime de la police fédérale parce qu’elle avait immédiatement considéré que tous les employés qui travaillaient à proximité des valises faisaient partie d’une organisation criminelle. WFS Orbital a déclaré qu’elle vérifiait minutieusement les antécédents criminels et sociaux des employés avant de les engager.

L’aéroport a déclaré que la responsabilité de la gestion des bagages incombait à la compagnie aérienne assurant le vol. Les deux femmes brésiliennes ont volé avec Latam. Latam Airlines a déclaré qu’elle collaborait à l’enquête et qu’elle était en contact avec les familles des deux passagères.

Les autorités allemandes souhaitent que les preuves de leur innocence viennent directement du gouvernement brésilien afin de les examiner. Jeudi (vendredi en Allemagne), Augusto de Arruda Botelho, secrétaire national à la justice, a indiqué sur Twitter que le ministère de la justice avait reçu une demande de la part des autorités allemandes pour recevoir l’ensemble des éléments et qu’il s’y était conformé.

Les familles espèrent maintenant que les deux femmes seront libérées, ce qui devrait se faire dans les deux semaines à venir, selon leurs avocats.

Les valises d’origine, qui pesaient 16 kg et 17 kg selon la carte d’embarquement, n’ont toujours pas été retrouvées. Les raisons pour lesquelles ces deux valises auraient été choisies ne sont pas connues à ce jour.

En mai 2019, un couple de Brésiliens se rendant à Paris avait été victime d’un subterfuge similaire, les étiquettes de leurs valises ayant été changées lors d’une escale à Fortaleza. Arrêtés à l’aéroport de Lisbonne, ils ont été libérés après 53 jours passés dans une prison portugaise.

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.