La quantité de cocaïne en circulation dans le monde à des niveaux records en 2021. La Belgique et les Pays-Bas plaques tournantes en croissance

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17 mars 2023

Selon le rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la production et l’offre de cocaïne ont atteint des niveaux record en 2021, malgré la pandémie de COVID-19 et l’augmentation des saisies effectuées par les services de répression. Le processus de transformation devient plus efficace. La Belgique et les Pays-Bas apparaissent comme de nouvelles plaques tournantes du trafic de cocaïne en Europe.

Cocaïne saisie par les forces de l'ordre
Cocaïne saisie par les forces de l’ordre | © ONUDC

La culture du cocaïer et l’offre de cocaïne ont atteint des niveaux record en 2021, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Basé en Autriche, l’office a publié le 16 mars son Rapport mondial sur la cocaïne 2023 détaillant les dynamiques locales et les défis mondiaux autour de la cocaïne en combinant diverses données quantitatives et qualitatives, des rapports officiels et des entretiens avec des procureurs, des professionnels de la santé, des journalistes, des forces de l’ordre, etc.

Selon cette étude, la culture de la coca a grimpé de 35 % entre 2020 et 2021, soit la plus forte augmentation d’une année sur l’autre depuis 2016. Plus de 300 000 hectares (3 000 kilomètres carrés) ont été utilisés pour cultiver des feuilles de coca en 2021, soit plus que la taille d’un petit pays comme le Luxembourg (2 586 km²).

La culture de la feuille de coca a diminué progressivement pendant une décennie jusqu’en 2014, année où elle a atteint son niveau le plus bas. Elle a doublé entre 2013 et 2017, a culminé en 2018 et a de nouveau fortement augmenté en 2021.

Près de 2 000 tonnes de chlorhydrate de cocaïne pur ont été produites en 2020, selon des estimations basées sur les données officielles des pays incluses dans un précédent rapport de l’ONUDC.

Mais l’offre a également augmenté parce que les processus de transformation des feuilles de coca en chlorhydrate de cocaïne, le nom scientifique de la cocaïne, sont devenus plus efficaces. Cette augmentation s’est produite en dépit du fait que les saisies effectuées par les services répressifs ont également atteint des niveaux record.

Néanmoins, les interceptions de cocaïne par les autorités ont augmenté plus rapidement que l’offre, ce qui indique qu’elles ont permis de contenir la croissance de la quantité mondiale de cocaïne disponible à la consommation.

Les autorités ont saisi plus de 1 400 tonnes de cette drogue dans le monde en 2020, et près de 2 000 tonnes en 2021, selon les chiffres préliminaires. La comparaison avec les données de production est difficile car les saisies ont lieu à différents points de la chaîne d’approvisionnement avec de la cocaïne à différents niveaux de pureté. Selon l’ONUDC, lorsque les Européens et les Américains consomment de la cocaïne, le produit est composé de 60 à 70 % de cocaïne pure, coupée d’autres substances.

Trois pays sont les principaux producteurs de cocaïne : La Colombie (61%), le Pérou (26%) et la Bolivie (13%).

La pandémie de Covid-19 : un effet perturbateur sur le marché de la cocaïne

Selon le rapport, la pandémie de Covid-19 a eu un « effet perturbateur sur les marchés de la drogue ».

Alors que les gouvernements tentaient d’endiguer le nombre d’infections, de nombreux bars et boîtes de nuit ont été fermés et les rassemblements sociaux limités, ce qui a réduit la demande associée à ces lieux.

L’analyse des eaux usées en Australie suggère que la consommation a diminué d’environ de moitié en 2021 par rapport à la fin de l’année 2020, avant de rebondir modérément au cours du dernier trimestre de l’année 2021. Les indicateurs basés sur les eaux usées suggèrent également une baisse de la consommation en 2020 avant une reprise en 2021 en Europe occidentale et centrale.

Dans le même temps, les voyages internationaux ont été fortement réduits et les producteurs ont eu du mal à expédier et à livrer leurs produits. La culture de la coca en Bolivie et au Pérou a augmenté, car les efforts d’éradication ont été plus limités.

Et bien que les données disponibles ne permettent pas à l’étude d’établir le lien de manière concluante, elle souligne que les trafiquants ont eu du mal à expédier la cocaïne hors du Brésil pendant la pandémie, que le prix de la cocaïne a chuté et que le nombre de décès imputables à la consommation de cocaïne sur le territoire brésilien a augmenté de manière spectaculaire au même moment.

La Colombie reste la principale voie de départ de la cocaïne, en particulier vers l’Amérique du Nord où la majeure partie de la cocaïne consommée est colombienne, mais les produits envoyés en Europe partent de plus en plus de pays d’Amérique centrale et du Sud.

Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) contrôlaient autrefois la plupart des régions productrices de coca en Colombie. Mais maintenant que la plupart d’entre elles ont déposé les armes depuis 2016 et l’accord de paix avec le gouvernement, la production de cocaïne « se fragmente en une myriade de réseaux de trafiquants » de toutes tailles, structures et objectifs, depuis les nouveaux petits producteurs locaux jusqu’aux groupes étrangers du Mexique et des Balkans, en passant par divers groupes spécialisés tout au long de la chaîne d’approvisionnement sans chercher à contrôler un territoire.

Pour ce qui est de la cocaïne livrée en Europe occidentale, les ports de la mer du Nord, tels qu’Anvers en Belgique, Rotterdam aux Pays-Bas et Hambourg en Allemagne, sont devenus les principaux points d’entrée devant ceux de l’Espagne et du Portugal.

Le rapport note que les importations de cocaïne semblent s’être déplacées de Rotterdam à Anvers au cours des dernières années. Les autorités douanières ont saisi près de 90 tonnes de cocaïne dans les ports maritimes d’Anvers et 71 tonnes dans ceux de Rotterdam en 2021. Toutefois, la majeure partie de la cocaïne atteignant Anvers serait acheminée vers les Pays-Bas.

Avec le développement de nouveaux itinéraires, les pays d’Afrique – en particulier ceux d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale – sont de plus en plus utilisés comme zones de transit clées pour la drogue. Les saisies suggèrent que le rôle de l’Afrique en tant que zone de transit pour la cocaïne à destination des marchés européens s’est considérablement renforcé depuis 2019, les groupes de trafiquants nigérians dominant les activités de contrebande à travers l’Afrique de l’Ouest et du Nord.

Les groupes criminels brésiliens semblent cibler de plus en plus les pays lusophones comme le Mozambique, l’Angola et le Cabo Verde.

Alors que la consommation de cocaïne est concentrée dans les Amériques et dans certaines parties de l’Europe, « le potentiel d’expansion du marché de la cocaïne en Afrique et en Asie est une dangereuse réalité, a déclaré Ghada Waly, directrice exécutive de l’ONUDC. L’augmentation de l’offre mondiale de cocaïne devrait nous mettre tous en état d’alerte », a‑t-elle ajouté.

On estime à 21,5 millions le nombre de consommateurs de cocaïne dans le monde en 2020 : 30 % en Amérique du Nord, 24 % en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, et 21 % en Europe occidentale et centrale. Mais si les taux de prévalence de l’Europe ou de l’Amérique du Nord se répliquent à d’autres régions du monde, il pourrait y avoir entre 55 millions et près de 80 millions de consommateurs supplémentaires de cocaïne dans le monde.

Le rapport montre également que la consommation de crack est en hausse dans plusieurs pays d’Europe occidentale tels que la Belgique, la France, l’Espagne et l’Italie, avec un ratio de consommateurs de crack comparé aux consommateurs de cocaïne en poudre qui a doublé entre 2016 et 2021.

Des données provenant des États-Unis suggèrent également que les personnes qui consomment de la méthamphétamine ne consomment pas beaucoup de cocaïne, alors que le cannabis présente la relation inverse : les plus gros consommateurs de cannabis sont plus susceptibles d’être de gros consommateurs de cocaïne.

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.