Le changement des habitudes de déplacement aux Pays-Bas a considérablement réduit les embouteillages pour se rendre au travail, bien que le trafic soit presque revenu à son niveau d’avant la pandémie de Covid-19. L’utilisation du vélo pour se rendre au travail a augmenté davantage que celle de la voiture en 2022.

Les Pays-Bas sont connus pour être un pays de vélos où 85 % des ménages en possèdent au moins un, grâce à une infrastructure routière comprenant de nombreuses pistes cyclables réservées. Mais la popularité du vélo a encore augmenté dans le pays pour se rendre au travail, même si la voiture reste le moyen de transport préféré des travailleurs néerlandais quelle que soit la distance à parcourir.
Les trajets domicile-travail en voiture, à vélo et en transports publics ont augmenté de plus de 7,5 millions par semaine en 2022 par rapport à 2021, selon l’enquête nationale sur les voyageurs publiée le 8 mars.
Commandée par le ministère de l’Infrastructure et de la Gestion de l’eau, l’étude est menée chaque année depuis 2019 auprès de 13 000 personnes afin de mieux comprendre le comportement des travailleurs pour leurs trajets entre le domicile et le lieu de travail aux Pays-Bas.
Cette augmentation des trajets domicile-travail en 2022 est due à la fin des mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19 et au retour au bureau de nombreux travailleurs. Plus de la moitié de l’augmentation des trajets domicile-travail, soit 4 millions sur les 7,5 millions de trajets supplémentaires par semaine, fut effectuée en voiture.
Une meilleure répartition de la mobilité diminuant les embouteillages
Cependant, l’utilisation du vélo a augmenté plus rapidement (+17 %) en valeur relative que la hausse du nombre de déplacements en voiture (+14 %) entre 2021 et 2022, indiquant un léger changement dans les habitudes de déplacement de la population. L’usage des transports publics a augmenté de 30 %, mais qui doit être comparée à une base de départ beaucoup plus faible et qui s’explique par la volonté d’éviter les transports publics pendant la pandémie de Covid-19.
La voiture reste de loin le moyen de transport préféré avec 65 % des trajets domicile-travail en 2022, tandis que 23% sont effectués en vélo et 10 % en transports publics, une répartition qui n’était pas étudiée en 2019 permettant de comparer avec les données d’avant la pandémie de Covid-19.
Mais l’étude estime que les changements dans les méthodes de transport ont considérablement réduit les embouteillages et les heures perdues dans les transports.
L’enquête montre que le trafic sur les voies rapides pour les trajets domicile-travail ne diminua que de 1% en 2022 par rapport à 2019, ramenant le trafic à un niveau proche d’avant la pandémie. De fait, les Néerlandais sont donc loin d’abandonner l’usage de la voiture.
En revanche, les embouteillages sur les routes ont diminué de 20 % au cours de la même période. L’étude explique ce résultat presque entièrement par les nouveaux modes de déplacement pour aller travailler adoptés par la population. Une meilleure répartition de la mobilité a entraîné une diminution de 15 à 20% des heures perdues dans les trajets domicile-travail en voiture, l’étude excluant d’autres facteurs tels que l’utilisation de la voiture pour d’autres motifs comme ayant un impact majeur.
Outre l’utilisation accrue du vélo au sein des travailleurs, les différentes habitudes de déplacement, la nouvelle répartition de la mobilité s’explique également par des habitudes de déplacement différentes, liées par exemple à des horaires de travail plus flexibles. Les travailleurs disposent d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leur semaine de travail, bien que les heures de pointe semblent être restées les mêmes, sans que l’étude n’explore en profondeur ce point.
En ce qui concerne le télétravail, les personnes ont travaillé à distance 1,1 jour par semaine en moyenne en 2022, ce qui reste plus largement adopté qu’avant l’apparition du Covid-19 (0,8 jour par semaine en 2019), bien qu’en baisse par rapport à 2021.
Ces changements de comportement se sont également traduits par une réduction des émissions de carbone. Selon les calculs de l’étude, les émissions de carbone de tous les modes de transport confondus pour les déplacements domicile-travail ont diminué de 8 % en 2022 par rapport à 2021, ce qui représente une économie de 0,5 million de tonnes équivalent CO2. Le parc automobile est certes devenu plus efficace (-1,8 % des émissions de carbone), mais le nombre de kilomètres parcourus en voiture est la principale raison de ce gain (-6,6 %).
La commodité et la durée du trajet déterminantes dans le choix du transport pour se rendre au travail
En 2022, les émissions de carbone des travailleurs se rendant au travail s’élevaient à 6,1 MtCO2eq, dont 5,8 Mt pour les voitures avec un seul passager. La mobilité partagée – qu’il s’agisse de vélo, de motos ou de covoiturage – a légèrement augmenté, passant de 15 % en 2021 à 17 % en 2022, mais la plupart des personnes n’ont pas du tout recours à la mobilité partagée. Les émissions globales de carbone des transports individuels restent par ailleurs influencées par des déplacements autres que les trajets entre le domicile et le lieu du travail, tels que les déplacements pour les loisirs ou d’autres raisons professionnelles.
La commodité, l’accessibilité et la durée du trajet jouent un rôle décisif dans le choix du mode de transport selon les réponses des personnes interrogées.
Sans conclure à une tendance claire, l’étude note que la distance moyenne entre le domicile et le lieu de travail a augmenté ces dernières années pour atteindre 22,7 kilomètres en 2022 (+15 % par rapport à 2019). Et la distance est un facteur important dans le choix du mode de transport. Quatre trajets sur dix allant jusqu’à 7,5 kilomètres sont aujourd’hui effectués à vélo, ce qui est plus que les années précédentes.
La principale raison pour laquelle les travailleurs ne se rendent pas au travail à vélo est que le lieu de travail est trop éloigné (41 %). L’allongement de la distance entre le domicile et le lieu de travail pourrait donc avoir un impact significatif, par exemple si les ménages déménageaient plus loin de leur travail. Par ailleurs, les mauvaises conditions météorologiques sont déterminantes pour 23 % des salariés pour ne pas utiliser leur vélo.
L’une des principales raisons pour les nouveaux adeptes du vélo pour se rendre au travail est qu’il s’agit d’un moyen de transport économique. Les considérations financières, comme le fait de ne pas payer de carburant, d’avoir une voiture ou de bénéficier d’un abonnement aux transports en commun payés par une entreprise, influencent le choix de la méthode de transport.
Et tandis qu’un local à vélos fermé sur le lieu de travail est une forte incitation à l’utilisation du vélo, la disponibilité d’un espace de stationnement gratuit est un facteur important pour que les personnes utilisent leur voiture. Les performances environnementales d’un pays comme l’Irlande ont ainsi été récemment pénalisées pour cela selon un rapport réalisé par l’OCDE.
Moins d’embouteillages et d’émissions de carbone, mais une sécurité routière dégradée
La ministre de l’environnement, Vivianne Heijnen, du parti de centre-droit l’Appel chrétien-démocrate, s’est félicitée du rapport montrant que « de plus en plus de personnes prennent le vélo pour aller travailler », mais a également souligné « qu’une fois de plus, il montre que les employeurs détiennent la clé pour rendre le vélo attrayant ».
Mais dans le même temps, à l’approche des élections provinciales qui se tiendront à la mi-mars aux Pays-Bas, l’Alliance pour la mobilité, un lobby composé de 26 organisations d’entreprises de transport qui prônent la liberté de mouvement aux Pays-Bas, a en revanche récemment publié un manifeste demandant aux responsables locaux d’investir dans l’amélioration de l’accessibilité des transports publics dans les provinces. Le nombre d’arrêts et de lignes de bus a considérablement diminué au cours de ces cinq dernières années, en particulier dans les zones rurales, a récemment rapporté la plateforme d’investigation Pointer de la chaîne publique néerlandaise KRO-NCRV.
Les personnes qui utilisent leur voiture pour aller au travail expliquent qu’ils ne peuvent pas utiliser d’autres solutions, par exemple parce que leur trajet ne peut pas être effectué à vélo, ou qu’elles ne veulent pas le faire pour des raisons de commodité, de confort ou de temps de trajet.
Le confort, ou plutôt son absence, est d’ailleurs la première raison pour laquelle les personnes ont décidé d’arrêter de se rendre au travail en vélo entre 2021 et 2022. Néanmoins, les personnes qui se rendent au travail à pied ou à vélo sont le plus souvent satisfaites ou très satisfaites de leur mode de transport. C’est le contraire pour les personnes qui utilisent la voiture ou les transports publics.
En revanche, les nouvelles conditions de circulation ont détérioré la sécurité routière, selon l’étude. Le nombre de victimes d’accidents de la route a légèrement diminué, car ces accidents surviennent le plus souvent lorsque des véhicules motorisés sont impliqués ; ce sont eux qui roulent le plus vite et qui sont utilisés pour les trajets les plus longs. Mais le nombre de blessures graves a augmenté avec l’utilisation accrue des vélos.
Ce qui peut sembler être une conséquence paradoxale s’est déjà produit en 2020 en pleine pandémie de Covid-19. Malgré une réduction de la circulation et du nombre de décès sur les routes en 2020, les Pays-Bas avaient enregistré le plus grand nombre de décès de cyclistes depuis 25 ans. Et le nombre de décès était plus élevé pendant les périodes où le trafic était le moins intense.